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Cogema : armateur ou amateur ?

Tous les transports maritimes de matières nucléaires et notamment de combustibles irradiés représentent un risque pour les équipages, l’environnement marin, et les travailleurs portuaires. Le choix du vraquier polyvalent de la Compagnie Morbihannaise de Navigation, le Bouguenais est particulièrement léger à cet égard. Un arrêt technique de 5 semaines environ dans les chantiers navals du Havre et du Trait en Seine-Maritime ne peut avoir suffi à transformer un bateau conventionnel longtemps opéré sous pavillon chypriote en bateau spécialisé avec une double propulsion et une double motorisation, structurellement indépendantes, des cloisons anti-collision à l’arrière, la duplication des groupes réfrigérants et des groupes électrogènes, la duplication des systèmes de navigation et de communication et surtout le cloisonnement étanche divisant la cale du navire en compartiments susceptibles de retarder le naufrage en cas de collision. L’adaptation du Bouguenais au transport de combustibles irradiés et de plutonium s’accompagne d’une réduction et d’une internationalisation de l’équipage tout à fait conforme à la politique d’économie de la Morbihannaise de Navigation.

L’utilisation du pavillon français dans un trafic de matières nucléaires qui concerne exclusivement les États-Unis, l’Autriche, le Danemark, la Grèce, la Suisse et l’Allemagne ne manquerait pas en cas de sinistre, de soulever des graves problèmes de responsabilités civiles, environnementales, et financières.

Le retour des combustibles irradiés provenant de la fission dans les laboratoires européens de l’uranium enrichi fourni par les Etats-Unis provoque des remous en Caroline du Sud. Les premiers voyages effectués en octobre 1994 par des cargos danois affrétés par la COGEMA et sa filiale Transnucléaire ont fait l’objet d’une intense bataille juridique entre le gouvernement de Caroline du Sud et le DOE américain (Department of Energy) au point que les cargos ont dû faire des ronds dans l’eau au large du port militaire de Sunny Point. Une fois déchargés, ils sont cependant restés à quai, en attendant l’arrêt définitif de la 4ème cour d’Appel des Etats-Unis. Si celle-ci avait accepté la requête des autorités de Caroline du Sud, les combustibles irradiés seraient retournés dans leurs ports et leurs pays d’origine.

Mais le transport aux Etats-Unis sur une période de 13 ans des 22.700 éléments de combustibles irradiés européens suscite à nouveau des critiques, au niveau de Washington cette fois. Deux membres influents du Congrès viennent de proposer une loi qui interdirait ce trafic ou l’assujettirait à des règles beaucoup plus strictes. L’un d’entre eux, Mr. Wyden souligne qu’il est complètement irresponsable de la part du DOE d’importer des combustibles irradiés alors que les USA n’ont pas de sites pour stocker les combustibles irradiés produits aux États-Unis.

Encore une fois, la Cogema, Transnucléaire, et la Morbihannaise de Navigation qui compte, dans ses actionnaires les principales industries françaises de matériels militaires et dont les bateaux s’aventurent au Yémen, en Birmanie, en Libye, en Iran, en Algérie naviguent dans les eaux troublées.