Echos, Thon rouge, Requins

16 mars 2010

Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore sauvages menacées d’extinction
CITES 2010 – Doha
Communiqué n°2

Echos :
Pour une écologiste habituée aux odeurs d’hydrocarbures et aux Composés Organiques Volatiles, Doha, ça peut être, selon les conditions météorologiques, Fos-sur-Mer et Le Havre réunis. La ville est souvent couverte d’un smog d’arabian light et du centre de conférence de la CITES on voit les mouvements de super-tankers croisant des boutres en bois de mangrove. La délégation israélienne est sous très haute protection. C’est aussi ça le mérite de la CITES de permettre malgré les embargos diplomatiques à des scientifiques israéliens et des pays arabes d’essayer d’assurer l’avenir du fouette queue océllé en annexe 1. Son aire de répartition résiduelle recoupe l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Yémen et Israël. A Doha, le WWF et l’Union Européenne sont climato-sceptiques. Ils refusent l’inscription de l’ours polaire en annexe 1.

Thon rouge (Thunnus thynnus)

thon-rouge© Robin des Bois- C. Nithart

L’essentiel est qu’une espèce marine de l’importance économique du thon rouge fasse son entrée à la CITES. Robin des Bois qui a joué un rôle décisif dans la promotion du thon rouge à l’étal de cette convention est favorable à son inscription à l’annexe 2 qui encadre et contrôle le commerce international. L’annexe 2 a statistiquement et diplomatiquement beaucoup plus de chances d’être adoptée que l’annexe 1. Elle aurait également beaucoup plus de chances d’être efficace puisque que le Japon, premier importateur de thon rouge dans le monde, a dores et déjà dit qu’il émettrait une réserve si le thon rouge était inscrit à l’annexe 1. Il pourrait être suivi par Taïwan et d’autres Etats à la fois pêcheurs et consommateurs. L’annexe 2 serait un signe politique fort et une réponse technique adaptée à la répression du commerce clandestin de spécimens de thon rouge ou de leurs parties. La CITES, conformément à sa vocation, consoliderait les décisions de la CICTA (Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique) et installerait un dispositif supplémentaire et complémentaire de surveillance et d’assainissement du commerce international. La CITES a les capacités administratives de partager des informations avec les services des douanes et d’Interpol. Les amendements à la proposition monégasque d’inscription à l’annexe 1 préparés par la Communauté européenne n’offrent aucune garantie sur la date d’entrée en vigueur de l’interdiction du commerce international, ni même sur sa réalité à l’issue d’un processus tortueux et inédit. Ces amendements sont interprétés par beaucoup d’observateurs comme un affaiblissement de la vitalité et de la réactivité de l’annexe 1 qui depuis la mise en œuvre de la CITES a toujours été considérée comme l’arme ultime et la mesure d’extrême urgence. Les espèces inscrites à l’annexe 1 ont, sauf exception rarissime, transité dans un premier temps par l’annexe 2. Enfin, l’annexe 1 risquerait de reporter les effort de pêche et les menus du réseau mondial de fastfood à sushis sur d’autres espèces de thon aujourd’hui en limite de surexploitation comme le thon albacore, le thon obèse ou encore les stocks de thon rouge du Pacifique Sud. La proposition de Monaco note elle-même qu’après transformation il est très difficile voire impossible de distinguer de visu les espèces de thon rouge, de thon obèse et de thon jaune. Dans le domaine de la pêche et de la conservation de la biodiversité marine, les effets pervers mais prévisibles des interdictions de techniques de pêche, de pêcher ou de commercialiser une espèce sont largement sous-estimés. Il est tout à fait probable aussi, et Robin des Bois n’a cessé de le répéter auprès des autorités françaises et des ONG depuis plusieurs mois, que cette épreuve de force avec le Japon aura des conséquences négatives au sein d’autres conventions comme la Commission Baleinière Internationale. Il reste à espérer et à faire en sorte que des Etats membres de la CITES entreprennent une médiation et proposent l’inscription du thon rouge en annexe 2.

Requins.

Pour les requins, la Communauté européenne sait faire preuve de pragmatisme et propose l’inscription en annexe 2 de deux espèces de squale plus menacées que le thon rouge; l’annexe 2 serait une bénédiction pour les requins et de la foutaise pour le thon rouge :

Le requin taupe (Lamna nasus)

L’espèce a déjà fait l’objet de la même proposition d’inscription en annexe 2 de la part de la Communauté européenne à la 14ème Conférence des Parties en juin 2007 à la Haye aux Pays-Bas. L’Islande, le Qatar, la Chine, le Japon, Singapour, la Guinée, l’Indonésie considéraient alors que la baisse de la population de l’Atlantique du Nord-Est était compensée par une augmentation dans l’Atlantique du Nord-Ouest, le Japon exprimant en outre la crainte de voir les prix augmenter. En décembre 2009, la Communauté européenne a adopté dans le cadre de la Politique Commune des Pêches un quota zéro pour 2010. La CICTA, qui s’occupe également de cette espèce de requin, requiert de ses Etats-membres qu’ils réduisent les efforts de pêche ciblés et les prises accessoires lors de la pêche à l’espadon.

L’aiguillat commun (Squalus acanthias) a déjà fait l’objet d’une demande analogue de l’Union Européenne en 2007 à la Haye. Il est littéralement au seuil de l’extinction dans l’Atlantique du Nord-Est. La Chine, le Japon, l’Argentine, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Guinée, l’Islande, le Canada avaient soulevé les mêmes arguments hostiles que pour le requin taupe. A la demande universelle pour les ailerons et les queues du requin aiguillat s’ajoutent des pressions nouvelles pour les cartilages et les huiles parées de vertus médicinales.

Les Etats-Unis et Palau proposent l’inscription à l’annexe 2 de six espèces de requin surexploitées pour les ailerons. En Méditerranée, la population de requin marteau halicorne (Sphyrna lewini) aurait subi un déclin de plus de 99% depuis le début du 19ème siècle. Dans l’Atlantique du Nord Ouest, le requin marteau halicorne de même que les espèces voisines grand requin marteau (Sphyrna mokarran) et requin marteau lisse (Sphyrna zygaena) auraient subi un déclin de 72% entre 1987 et 2005. 50 à 90.000 tonnes d’ailerons seraient commercialisés chaque année dans le monde alors que les débarquements enregistrés culminent à 3645 tonnes – les ailerons se négocient aux alentours de 133 dollars par kilogramme. Pour les mêmes raisons, la proposition concerne le requin gris (Carcharhinus plumbeus) et le requin sombre (Carcharhinus obscurus).

Le requin océanique (Carcharhinus longimanus) comme les espèces précédentes vit dans les océans Atlantique, Pacifique et Indien et les mers adjacentes. La viande est rarement consommée ; les ailerons ont moins de valeur que sur les espèces requin-marteau (45 à 85 dollars le kilogramme). Les ailerons des requins océaniques représenteraient 2% du volume global du commerce mondial, soit 22.000 tonnes prélevées sur 600.000 individus dont les carcasses sont en majorité rejetées en mer après la mutilation.

Les requins sur l’océan mondial sont dans leur quasi-totalité victimes de la pêche dite non-intentionnelle. Ils sont considérés comme des prises accessoires et accidentelles, ne sont pas comptabilisés mais en même temps ils génèrent pour les pêcheurs, les marchands de soupe et les restaurateurs des bénéfices considérables.

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