En hommage à Alexandre Nikitine

28 avril 1996

Cherbourg

 

Aujourd’hui dimanche 28 avril, à partir de 11 heures, les militants de l’association Robin des Bois protestent à bord du Sedov, un navire école russe, contre la détention d’Alexandre Nikitine, capitaine de 1ère classe de la flotte nucléaire russe basée à Mourmansk. Le Sedov, à bord duquel sont formés les ingénieurs et officiers mariniers de l’Etat russe, est arrivé à Cherbourg jeudi matin en provenance de son port d’attache, Mourmansk.

Le port de Mourmansk est le siège de la Mourmansk Shipping Company. La MSC gère 8 brise-glaces et un porte-conteneurs à propulsion nucléaire et 5 bateaux de servitude (ImandraLottaSerebryankaVolodarsky et Lepse) servant au stockage ou à l’immersion des combustibles irradiés et des déchets radioactifs liquides. La base de la MSC, Atomflot, est située à 3 km du centre de Mourmansk (1 million d’habitants). Dans le Lepse, construit en 1936, sont empilés les assemblages de combustibles irradiés endommagés retirés du réacteur accidenté du brise-glaces Lénine.

En octobre 1992, Boris Eltsine demande à une commission officielle présidée par son conseiller en environnement Alexis Jablokov de mener des investigations sur les immersions de déchets radioactifs dans la baie de Mourmansk, la mer de Barents et la mer de Kara.
Au printemps 1993, la commission confirme que 17 réacteurs nucléaires de sous-marins et de brise-glaces ont été immergés au large de Mourmansk avec plusieurs milliers de conteneurs remplis de déchets solides de faible et moyenne activité. Les immersions ont eu lieu jusqu’en 1992 en infraction aux conventions internationales (London Dumping Convention). La même commission révèle que 6 sites d’immersion ont été officiellement utilisés dont 2 à quelques milles du littoral entre Mourmansk et Gremikha. Entre 1967 et 1978, au moins 12 cargos ayant servis au stockage et au transport de produits radioactifs y ont coulés. La commission souligne encore que des fragments de combustibles irradiés ont été retrouvés sur une plage au sud de la Nouvelle-Zemble.
En été 1993, une expédition scientifique officielle russo-norvégienne effectue des relevés de radioactivité dans l’eau et les sédiments des mers de Barents et de Kara, à l’exception notable d’un des plus dangereux sites d’immersion, la baie d’Abrosimov.
Le rapport russo-norvégien conclut que “la contribution des immersions de matériaux radioactifs à la contamination artificielle de la mer de Kara est encore faible et confinée à des secteurs localisés”.
L’équipe russe était dirigée par Alexandre Nikitine.
Mardi 6 février 1996. Alexandre Nikitine a été interpellé à Saint Petersbourg. Il est accusé par le FSB (ex KGB) de haute trahison pour avoir divulgué des secrets d’Etat. Selon l’article 64 A du code pénal russe, il est passible d’une peine de prison de 10 à 15 ans ou de la peine de mort. Pourtant selon la loi russe sur les secrets d’Etat, les informations sur l’environnement doivent être divulguées, en cas de risques sanitaires pour les populations.

Depuis 4 ans, Alexandre Nikitine, après avoir quitté ses fonctions dans la marine russe, aide la Russie, les pays arctiques, la communauté internationale, à faire toute la lumière sur les populations radioactives engendrées par les pratiques des militaires russes et de la Mourmansk Shipping Compagny. La ville de Cherbourg, en recevant officiellement ce fleuron de la flotte de Mourmansk, voit peut-être dans cette initiative déplacée le premier pas d’un jumelage entre deux villes inquiétantes. Comme à Mourmansk, les combustibles irradiés et les compartiments des réacteurs des sous-marins nucléaires désaffectés sont stockés dans des conditions défiant la sécurité, à quelques centaines de mètres du cœur de la ville et du port de plaisance. La fosse des Casquets dans la mer de la Manche (immersion de 17 000 tonnes de déchets radioactifs belges et anglais entre 1950 et 1963), la rade militaire et l’arsenal de Cherbourg attendent leurs Nikitine.
L’action de Robin des Bois s’inscrit dans le cadre de la campagne internationale pour la libération d’Alexandre Nikitine lancée par la fondation norvégienne Bellona et relayée en France par M. Brice Lalonde.

 

 

 

 

 

Imprimer cet article Imprimer cet article