Le dérapage nautique du Tour de France cycliste

19 mars 2013

Le projet de dragage du port de Porto-Vecchio est dans les tuyaux du Conseil Général de Corse du Sud depuis deux ans. Le départ du Tour de France lui donne un effet de levier et un coup d’accélérateur. « Les travaux ne sont pas directement liés au Tour de France mais cette échéance arrive à point nommé afin d’en accélérer le processus » écrit le président de la section de pilotage de Porto-Vecchio au journal Le Marin le 8 mars 2013.

Il s’agit d’assurer dans des conditions de sécurité acceptables l’accès à Porto-Vecchio et l’accostage du Mega Smeralda, un car-ferry pas tout jeune (27 ans) de la compagnie italienne Corsica Ferries. Le Mega Smeralda servira d’hôtel et de salle de presse à 500 journalistes à Porto-Vecchio, à Bastia, à Ajaccio, à Calvi et sans doute à Marseille quand le Tour de Corse rejoindra le continent.

Un autre car-ferry, le Cruise Barcelona appuiera aussi la logistique du Tour de Corse avant qu’il ne devienne le Tour de France.

« On ne compte plus le nombre de fois où les navires de la SNCM (Société Nationale Corse Méditerranée) et autres navires de croisière se sont échoués sur les bancs de sables à proximité du quai » ont écrit, en décembre 2012, dans le registre de l’enquête publique sur le projet de dragage les bons connaisseurs de l’association pour le libre accès aux plages et la défense du littoral établie à Porto-Vecchio. C’est pourquoi le Conseil Général de Corse du Sud et les promoteurs du « port de commerce » de Porto-Vecchio entendent réaliser « une mise à niveau de l’infrastructure par des dragages d’approfondissement des bassins permettant aux navires d’accéder aux quais » dans les meilleures conditions de sécurité. Pour ce faire, l’extraction de 200.000 tonnes de boues et de 8.000 tonnes de rochers est envisagée. Les boues de dragage polluées par l’étain, le mercure, les pesticides, les nitrates du bassin versant seraient rejetées au débouché du golfe à quelques kilomètres du lieu d’extraction, dans les fonds marins, sur 140 hectares.

Les pollutions et nuisances nées du projet seraient multiples :
1- excès de turbidité des eaux marines sur les lieux de l’extraction et autour, et sur les lieux d’immersion et autour ;
2- excès de bruits sous-marins particulièrement dans la phase déroctage.
Ces deux facteurs auront des effets immédiats sur les dauphins, les poissons et les coquillages (désorientation, fuite, colmatage) et sur les activités de pêche artisanale. Ces effets seront incontournables pour les organismes marins, le golfe de Porto-Vecchio est un espace semi-fermé. A moyen terme, l’état sanitaire de la biomasse marine sera irrémédiablement dégradé par la dispersion de tous les micropolluants chimiques piégés dans les sédiments de dragage.

Le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable après avoir reçu des éclaircissements de la part du maître d’ouvrage. Le budget total de l’opération est estimé à 9 millions d’euros. La course contre la montre est engagée. Les car-ferries affrétés par l’organisation du Tour de France doivent bénéficier d’une amélioration des conditions de sécurité et de mobilité dans le port de Porto-Vecchio et du chenal d’accès. C’est maintenant au préfet de Corse du Sud de donner le coup d’envoi. Pour être achevé à la mi-juin, le bal des dragues doit commencer courant avril.

Pour sa part, Robin des Bois est opposé à la réalisation de ce projet, qu’elle soit effective avant le Tour de France ou après. Le Ministère de l’Ecologie est alerté. Robin des Bois travaille sur les opérations de dragage et de gestion des sédiments depuis de très nombreuses années. Il vient de participer avec le groupe GEODE (Groupe d’Etude et d’Observation sur les Dragages et l’Environnement), le bureau d’étude Egis et le Ministère de l’Ecologie à l’élaboration d’un guide méthodologique sur les suivis environnementaux des opérations de dragage et d’immersion (1).

Le Tour de France aura déjà assez d’impacts négatifs sur la Corse avec un afflux considérable de déchets dont elle ne sait que faire : gobelets, turlututus, chapeaux pointus, cocktails de gadgets publicitaires, gaspillage et emballages alimentaires sans oublier évidemment les médicaments, pour ne pas y ajouter la perturbation du golfe de Porto-Vecchio et de ses derniers herbiers de Posidonie.

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(1) Disponible sur
http://www.cetmef.developpement-durable.gouv.fr/etudes-et-documents-a191.html

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