La croisière s’amuse

13 janv. 2006

Objet: Norway/Clemenceau

Selon les dernières informations parues dans la presse, le paquebot Norway (ex-France) irait à la casse sur les plages d’Alang en Inde plutôt qu’au Bangladesh. Avant d’être remorqué en Malaisie le 23 mai 2005 où il attend désormais le choix ultime de son propriétaire, Genting Corporation, le premier groupe financier malais, le Norway était à quai à Bremerhaven en Allemagne pendant 18 mois (1). L’opinion publique, le parti “vert”, la mouvance écologiste et les autorités allemandes ne se sont guère intéressés au sort de ce chef d’œuvre naval en péril gardé par 45 hommes d’équipage d’origine népalaise. Un chef d’œuvre en péril mais aussi un péril sanitaire et environnemental : l’une des salles des machines du Norway a en effet été dévastée par une explosion meurtrière en mai 2003, entraînant la dispersion de l’amiante des calorifugeages au moins jusqu’au troisième pont du navire. Le Norway est victime d’une double pollution à l’amiante : la pollution passive des dispositifs anti-incendie, isolations thermiques, et calorifugeages et la pollution active due à l’explosion. Malgré les nombreux artifices lancés comme des leurres par son propriétaire sur des pistes de reconversion, personne n’a jamais sérieusement cru à un autre sort imminent pour le Norway que la casse; pour ce temple de l’amiante, la convention de Bâle, le prétraitement et l’extraction des autres polluants comme le PCB (poly-chloro-biphényls) n’ont jamais été évoqués.

Au contraire et simultanément, les groupes écologistes et la presse se ruent sur le Clémenceau et y prospèrent, sans prendre en compte la valeur positive et exceptionnelle de son désamiantage volontaire et de l’ensemble des dispositions prises en Inde par les industriels soucieux d’améliorer la filière de démantèlement des navires et du recyclage des métaux.

Il y a dans le parti pris Clemenceau un traitement inéquitable contraire à l’application uniforme des conventions ou des pratiques internationales. La procédure qui a été appliquée à l’ex-porte-avions est un référentiel industriel, un point de départ méthodologique qui demande à être perfectionné et appliqué aux 700 et bientôt 1000 navires de la marine marchande qui vont ou iront au ferraillage chaque année. Au jour d’aujourd’hui, les exigences supplémentaires sur les taux de désamiantage sont contre-productives. Toutes ces surenchères vont provoquer chez les armateurs, bons ou mauvais, des situations de blocages techniques ou économiques et développer des effets pervers comme le recours aux immersions et aux abandons des navires hors d’usage et bruts de pollution.

La fin du Clemenceau marque au contraire le début d’une phase de transition entre les pratiques historiques inacceptables et une convention internationale sur le démantèlement des navires dont les plus optimistes disent qu’elle pourrait entrer en vigueur vers 2008. Forcément, la procédure Clemenceau doit s’appliquer au Norway où qu’il soit démoli.

(1) Voir le communiqué du 3 mai 2005 “Allemagne / Malaisie : zéro partout “

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