La résidence naphtalène

6 oct. 2003

C’est une première. Monsieur le Maire du Havre a posé cet été en compagnie d’astucieux promoteurs la 1ère pierre d’un programme résidentiel comprenant 514 logements et 130 studios universitaires. Plus de 1000 personnes vivront donc sur un site archi-pollué, recouvert d’une dalle de 20 cm de béton. Les garages seront au rez-de-chaussée, les “ jardins ” au 2ème niveau. Pas un seul arbre ne sera planté dans le sol, et aucune information sur les pollutions n’a été délivrée aux acquéreurs. “ Toutes les pollutions sont restées sur place. C’était prévu ” dit le chef de chantier. La dalle de béton tirant un trait sur un siècle d’hydrocarbures et de métaux toxiques va bientôt être coulée. Les travaux avancent à marche forcée. Les appartements doivent être livrés en juin 2004 ! Des prélèvements atmosphériques des composés organiques volatiles sont réalisés au dessus du site en face d’une maison de retraite dont les usagers n’ont rien à connaître.

Du F1 au F4, tous les appartements sont vendus depuis longtemps, bien avant que l’Etude Détaillée des Risques (EDR) soit validée. Cette EDR de complaisance réalisée par un cabinet régional est détournée de son objectif initial et réglementaire. Au lieu d’intervenir comme une aide à la décision sur la reconversion d’un site pollué, elle ne fait que justifier le choix antérieur de la ville du Havre. Les appartements ont été commercialisés par 2 promoteurs mais le sol est toujours placé sous la responsabilité du liquidateur judiciaire. Le site s’étend sur 14.000 m2. Il était consacré depuis 130 ans à des activités de mécanique et de chaudronnerie. Le dernier exploitant, les Ateliers et Chantiers du Havre, spécialisé dans les constructions navales, a été mis en liquidation judiciaire en 1999.

La contamination est étendue et atteint une profondeur supérieure à 2 m. Les valeurs supérieures prouvant la contamination des sous-sols concernent les hydrocarbures totaux dont certains sont en phase liquide, le cuivre, le plomb, et les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Les teneurs maximales observées sont de 1300 mg/kg pour les hydrocarbures totaux, 3000 mg/kg pour le plomb, 4400 mg/kg pour les HAP. En plus des risques sanitaires, le massif souterrain de polluants peut, compte tenu du contexte hydrogéologique, contaminer le bassin Vauban et, au-delà, le système estuarien de la Seine. Il est donc doublement déplorable de ne pas avoir entrepris une opération préalable de décontamination des sols.

Cette construction sur pilotis pilotée par un architecte de Rouen vise donc à se défendre des effets des pollutions, sans même les réduire à la source. Fière de leur innovation, les services de l’urbanisme de la ville du Havre en font la promotion dans les colloques spécialisés. Au Havre, entre risques Seveso et sols pollués, l’immobilier donne dans le marché noir et la DRIRE (Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement) se terre.

Seule fausse note consécutive à la campagne d’information de Robin des Bois, la préfecture a prescrit cet été qu’au terme de la construction, le niveau garage devra faire l’objet d’analyse des concentrations en HAP avant toute autorisation d’usage.

 

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