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Bulletin « A la Casse » n°15

Adieu Bangladesh, bonjour Philippines ?
Le 18 mars, la Haute Cour de Justice du Bangladesh a décidé la fermeture sous deux semaines des chantiers de démolition qui n’auraient pas de permis garantissant les normes environnementales, soit dans les faits tous les chantiers du pays ; la décision interdit également l’importation des navires qui n’auraient pas bénéficié d’une extraction préalable des polluants (amiante, PCB, métaux lourds, hydrocarbures…). Les industriels ont obtenu un délai de trois semaines pour préparer un appel contre cette décision. En attendant, les navires continuent d’arriver et d’être beachés à Chittagong. Il reste à voir comment cette décision va être suivie d’effet et si elle va inciter le gouvernement du Banglesdesh à mettre en place des normes et un suivi des conditions environnementales et sociales de démantèlement ou si le marché de la démolition ne va pas se déplacer : les armateurs japonais qui ont un surplus de navires à démolir en raison de la crise pousseraient le gouvernement des Philippines à se lancer sur le marché .

ALC15-GoogleEarthChtittagongRobindesBois [1]Chantier de démolition à Chittagong (Bangladesh)  ©  Google Earth

Même les voituriers partent à la casse
La crise économique mondiale et le ralentissement des exportations continuent de décimer les flottes de vieux porte-conteneurs, vraquiers et transporteurs de marchandises diverses. A elles trois, avec 214 navires, ces catégories de navires représentent plus des trois quarts des navires partis à la démolition. Les tankers qui ces dernières années constituaient près de la moitié des navires à la casse ne sont plus que 31 (11%).

Même les voituriers sont victime de la crise. Alors qu’en 2008, trois navires de ce type seulement avaient quitté la flotte mondiale, sur les trois premiers mois de l’année 2009 on en dénombre déjà quinze. L’armateur japonais MOL Mitsui OSK Lines a en outre annoncé envoyer prochainement à la casse quinze de ses voituriers, âgés de plus de 25 ans : amiante, hydrocarbures, sources radioactives des détecteurs de fumées.

ALC15-EternalMinerRobindesBois [2]Eternal Mariner. 8 Octobre 2007.  Sydney (Australie), quai de Glebe Island ©  Clyde Dickens

 

Le rush continue
Du 1er janvier au 3 avril 2009, 272 navires (contre 288 navires pour toute l’année 2007) sont partis à la démolition représentant un recyclage cumulé de plus de 2,2 millions de tonnes de métaux. Le rythme de sortie de flotte a été soutenu, même s’il s’est ralenti en fin de trimestre. Sur la période, l’Inde, avec 138 navires (51 %), devance le Bangladesh 78 (29 %). L’abondance de l’offre de naviresen fin de vie  permet au Pakistan avec 28 navires (10%), la Chine 19 (7%), la Turquie 5 (2%) de rester présents sur le marché. Les Etats-Unis ont repris le ménage de leur flotte de réserve et envoyé à la démolition 4 navires anciens. En tonnage de métal à recycler, l’Inde confirme sa place de leader avec plus de 1 million de tonnes (49%) devant le Bangladesh 764.000 t (34%).

177 navires (65 %) ont fait l’objet de détention préalable dans les ports mondiaux avec un taux de détention de près de 80 % pour les vraquiers et les transporteurs de marchandises diverses ; 87 (32%) étaient contrôlés par une société de classification n’appartenant pas à l’IACS (International Association of Classification Societies). 100 (37%) ont été construits dans l’Union Européenne et en Norvège ; 106 (39%) étaient sous pavillon européen ou avaient des armateurs de l’Union Européenne ou de l’AELE (Association Européenne de Libre Echange) dont 44 (16%) grecs. Les pavillons Tuvalu et Saint-Kitts-et-Nevis ont la cote pour le dernier voyage.

L’âge en fin de vie des navires sortis de flotte durant la période du 1er janvier au 3 avril 2009 se range entre 21 et 53 ans ; l’âge moyen est de 31 ans. 51 ont une longueur inférieure à 150 m, 159 mesurent entre 150 et 199 m et 62 entre 200 et 315 m.

Les prix offerts par les chantiers ont régulièrement augmenté, gagnant environ 50 $ la tonne jusqu’à se rapprocher des 300 $ sur le sous-continent indien. Cependant dès le mois de mars, la Chine donnait le signal d’une baisse sensible des tarifs d’achat, aussitôt suivie par l’Inde puis par le Bangladesh et le Pakistan. Aux Etats-Unis, les prix varient de 4 à 43 $ la tonne. Le démantèlement du Hattiesburg Victory, un vétéran de la dernière guerre mondiale utilisé pour l’approvisionnement des troupes américaines (cf.page 29), coûtera même 1.016.000 $ au gouvernement américain.

Sur les rayons de la démolition, on notera en particulier l’ex-Vicky, tristement connu dans le Nord de la France (cf. page 6). Un ex-stockage flottant de pétrole brut, le Knock Taggart (cf.page 5), est parti à la casse en l’état en Inde. Rappelons qu’un navire similaire appartenant à Total, le Serepca 1, a été récemment vidé de 15 tonnes de PCB avant d’être proposé à la démolition.

 

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