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Bulletin « A la Casse » n°16

La honte subsiste mais la scène du crime a disparu.
En octobre 1992, le Renata alors MC Ruby est la propriété de la société MC Shipping, une filiale  du groupe monégasque Vlasov ; le gestionnaire du navire est V Ships, une autre filiale du groupe. Le navire charge au Ghana du cacao à destination du Havre, Amsterdam et Hambourg. Durant le voyage, neuf passagers clandestins sont découverts, dépouillés de leur argent et séquestrés dans le peak avant ;  ils sont ensuite sortis de nuit sur le pont puis assommés et jetés à l’eau en pleine mer entre Takoradi et Le Havre. Le seul rescapé donnera l’alerte au Havre.Le 9 décembre 1995, à l’issue d’un procès de quatre semaines, le commandant et son second sont condamnés à la réclusion à perpétuité et trois autres membres de l’équipage ukrainien à 20 ans de détention. Ni le groupe Vlasov, ni ses filiales MC Shipping et V. Ships n’ont été condamnés, en dépit des conditions dégradées imposées à l’équipage et des nombreux trafics annexes mis en évidence sur le navire et connus de tous. Le lien substantiel entre les gestionnaires du MC Ruby et l’équipage n’a pas été retenu. Voir « Coke en stock », La Flèche, hiver 1996 [1]et « Le désert des Barbares » communiqué de Robin des Bois, 9 décembre 1995. [2]

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Renata (ex-African Star, ex-Runner, ex-CMBT Eagle, ex-MC Ruby, ex-Ville de Damas, ex-Medipas Tide, ex-Arko Glory, ex-Lloyd Texas, ex-Bamenda Palm). OMI 7725843. Marchandises diverses. Longueur 149 m, 6.366 t. Pavillon Bahamas. Société de classification Russian Maritime Register of Shipping. Construit en 1979 à Ulsan (Corée du Sud) par Hyundai Heavy Industries. Propriétaire Oceanstar Management Inc. (Grèce). Détenu en 2000 à Lisbonne (Portugal), en 2001 à Lisbonne et Leixoes (Portugal) et à Anvers (Belgique), en 2007 à Sorel (Canada) et en 2008 à Anvers (Belgique). Le MC Ruby devenu après plusieurs changements de propriétaire le Renata, est vendu pour démolition en Inde. 240 $ la tonne. Il arrive à Alang le 2 mai 2009. Un autre navire qui a marqué l’actualité mais en positif – grâce à une délicate opération de sauvetage entre Cherbourg et Le Havre – est parti à la casse. Il s’agit du MSC Rosa M  (voir p 6).

ALC16-RenataRobindesBois [4]Renata, ex-MC Ruby, chargeant du sucre, port de Santos (Brésil) – 2 mars 2006  © Rafael Ferreira Viva

Du 4 avril au 26 juin 2009, 190 navires sont partis pour la démolition. Le rythme s’est à peine ralenti par rapport au rush constaté lors du précédent bulletin n°15 d’A la casse.com, avec 16 navires par semaine contre 21. La démolition cumulée permettra le recyclage de plus de 1,6 million de tonnes de métaux. Depuis le début de l’année, 462 navires sont sortis de flotte représentant 3,8 millions de tonnes de métaux. Sur la période, l’Inde avec 92 navires (48%) reste la destination numéro 1 de la démolition devant le Pakistan 31 (16%), la Chine 29 (15 %) et le Bangladesh 28 (15%) ; en ce qui concerne le tonnage des navires à recycler, l’Inde garde la tête, suivie de la Chine, du Bangladesh puis du Pakistan.

114 navires (60%) partis à la casse ont fait l’objet de détention préalable dans les ports mondiaux avec un taux de détention de près de 80% pour les vraquiers; 27 (14%) étaient contrôlés par une société de classification n’appartenant pas à l’IACS (International Association of Classification Societies). 59 (33%) ont été construits dans l’Union Européenne et en Norvège ; 81 (43%) étaient sous pavillon européen ou avaient des armateurs de l’Union Européenne ou de l’AELE (Association Européenne de Libre Echange) dont 34 (18%) grecs. Aucun de ces navires partis en Asie pour démolition n’a bénéficié d’une dépollution préalable. La proposition suivante émise pendant le « Grenelle de la Mer » en France en est d’autant plus pertinente : « Soutenir que l’Union Européenne requière la preuve que le pays de démantèlement dispose des capacités adéquates de traitement ou de stockage des déchets dangereux ou bien qu’elle impose à titre transitoire le retour en Europe des déchets dangereux dans me cadre de la Convention de Bâle ».

L’âge en fin de vie des navires sortis de flotte durant la période du 4 avril au 26 juin 2009 se range entre 15 ans pour le chimiquier Sichem Malaga et 51 ans pour le tanker de l’US MARAD American Osprey ; l’âge moyen est de 29 ans ; il est en train de baisser, en 2008 il était de 32 ans. 37 ont une longueur inférieure à 150 m, 107 mesurent entre 150 et 199 m et 46 entre 200 et 324 m.

La crise économique mondiale continue de frapper le commerce maritime. En mai, plus de 700 navires étaient immobilisés au large de Singapour en attente d’utilisation. Il y en avait 300 au large de Rotterdam et 150 à Gibraltar. La grande majorité sont des vraquiers, porte-conteneurs, transporteurs de marchandises diverses dont les plus vieux sont dans l’antichambre de la casse. D’ailleurs ces trois categories, auxquelles il faut ajouter 25 voituriers, correspondent aux trois quarts des navires démolis pendant le 2ème trimestre 2009. A l’inverse, les tankers continuent à être rares sur le marché de la démolition, (24 navires, soit 14%). Les incertitudes du marché pétrolier et la spéculation poussent à la constitution de stocks d’hydrocarbures, notamment sur des stockages flottants : 10% des VLCC (Very Large Crude Carrier) seraient utilisés à cette fin. Parmi la douzaine de pétroliers sortis de flotte, on compte quatre double coque. Leur âge moyen est de 22 ans contre 24 pour les simples coques (en exceptant le quinquagénaire American Osprey de l’US MARAD). Il semble s’avèrer que les doubles-coques qui exigent un entretien régulier et approfondi ont au final une espérance de vie inférieure aux simples-coques.

La politique hésitante du Bangladesh quant aux pratiques de ses chantiers de démolition n’a pas été éclaircie. Les perspectives restent précaires avec des conditions économiques difficiles, une demande d’acier réduite et le ralentissement estival dû aux conditions climatiques. Les chantiers continuent d’acheter des navires mais aucun navire n’a été « beaché » de la dernière semaine de mai à la deuxième quinzaine de juin. Des navires arrivés en avril à Chittagong comme le Clio ou le Plodder n’ont été « beachés » que fin juin. Les prix d’achat à la tonne au Bangladesh ont continué de baisser régulièrement et sont désormais au niveau de ceux des chantiers chinois, les seuls à avoir connu une hausse. L’incertitude sur les autorisations de démantèlement et les tarifs poussent à des renégociations de dernière heure et nombre de navires annoncés vendus au Bangladesh dans le bulletin n° 15  ont finalement été détournés vers l’Inde, la Chine et le Pakistan. Les chantiers pakistanais ont également capté sur cette période des navires destinés à l’origine à l’Inde comme les Agia Sofia, Akti, Cleanthes, Bw Sund, Dorothea, Knock Taggart, et Pietari Glory. C’est le retour du Pakistan. Le Bangladesh, leader du marché depuis plusieurs années n’occupe plus que la quatrième place, derrière la Chine.
Accès à l’intégralité du bulletin “A la Casse” n°16 [5]