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Alerte : au moins 3 bombes à retardement à bord du projet de loi économie circulaire

Courriel envoyé personnellement aux députées et députés avant l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’économie circulaire.

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Mesdames les députées, Messieurs les députés,

Nous vous prions de trouver ci-dessous les observations et recommandations de l’ONG Robin des Bois sur le projet de loi sur l’économie circulaire dont l’examen est prévu par l’Assemblée nationale à partir du lundi 9 décembre 2019. Ces commentaires portant sur la gestion des munitions périmées, sur la « sortie du statut de déchet » des terres excavées, des sédiments et des déchets dangereux et sur la mise en sécurité des décharges sauvages ne sont pas exhaustifs. Nous déplorons par ailleurs le retrait des amendements sur l’interdiction des lâchers de ballons et sur l’instauration d’une REP (Responsabilité Elargie des Producteurs) pour les 250 millions de munitions annuellement tirées en France lors de la pratique de la chasse et du balltrap.

D’une manière plus générale, nous estimons que cette loi dont la préparation remonte à octobre 2017 ne tient pas compte de la rupture majeure que constitue l’interdiction d’importation des déchets à recycler annoncée par la Chine en juillet 2017 et officialisée le 31 décembre 2017 avec application immédiate. Les autres pays asiatiques se sont légitimement alignés sur cette décision dans les semaines ou les mois qui ont suivi. Le continent africain commence à prendre des décisions similaires allant de la restriction à l’interdiction d’importation des déchets dits recyclables notamment depuis l’Union Européenne. Au regard de ce renversement, les moyens préconisés par le projet de loi sont pour la plupart dérisoires et impuissants dans les délais nécessaires à stocker en sécurité, à valoriser et à recycler les flux considérables de déchets qui depuis une vingtaine d’années étaient exportés depuis la France.

Nous espérons que vous tiendrez compte de ce courrier et nous nous tenons à votre disposition pour des échanges d’information.

Avec nos meilleurs sentiments,

Charlotte Nithart et Jacky Bonnemains,
Robin des Bois.

Alerte : au moins 3 bombes à retardement à bord du projet de loi économie circulaire

1- Les explosifs à usage militaire et les munitions qui les contiennent ont une durée de vie limitée. Le service inter-armées des munitions détient près de 8000 t de munitions périmées. Pour pallier à l’absence de filière de traitement de ces déchets sur le territoire national, il a été introduit dans la loi un amendement les excluant du champ de compétence de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. L’exposé des motifs de cet amendement dit que l’assujettissement à cette Convention impose de lourdes contraintes administratives et complexifie le franchissement des frontières. Il convient ajoute-t-il, d’aligner dans ce domaine la position de la France sur celle de l’Allemagne. Or un document de l’OTAN sur la démilitarisation des munitions [1] publié en octobre 2019 révèle justement que le Land de Bavière vient de préciser que les transports internationaux de munitions périmées sont bien des transports transfrontaliers de déchets. Donc, en l’espèce, la Convention de Bâle s’applique. La France est le 4ème producteur mondial d’armes. Elle se doit aussi d’être auto-suffisante dans le domaine de l’élimination des explosifs et munitions obsolètes. Le sujet est d’autant plus sensible que les munitions dites périmées destinées à la destruction peuvent au cours de leur trajectoire internationale (jusqu’en Turquie) être détournées par des individus ou des groupes malveillants. Robin des Bois souhaite que cette disposition soit retirée du projet de loi.

2 – L’article 12LB du projet de loi [2] prévoit l’accélération et la simplification de la « sortie du statut de déchet ». Ainsi, des déchets peuvent devenir des « produits ». Le traitement des déchets coûte de l’argent, la vente de produits en rapporte. Cette aubaine déchets/produits va intéresser les mafias. Le projet de loi inscrit notamment dans cette perspective les boues de dragage et de curage, désignées dans le texte par l’euphémisme de « sédiments », et les terres excavées. Elles proviennent pour la plupart des fonds de bassins portuaires, de cours d’eau, de canaux et de friches industrielles et contiennent des substances dangereuses. D’autres dossiers de sortie de statut de déchet sont en cours de rédaction, d’examen ou d’instruction comme les boues rouges d’Altéo à Gardanne et les boues de station d’épuration. Pour faire bonne mesure ou plutôt démesure, la loi économie circulaire facilite la « sortie du statut de déchet » à des déchets spécifiquement dangereux sans même que les opérations de traitement soient réalisées dans des ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) contrôlées ou contrôlables par les services de l’Etat. Il est pourtant impératif de prendre toutes les précautions pour éjecter de la boucle de l’économie circulaire les substances dangereuses et préoccupantes pour la santé des travailleurs concernés, la santé publique et la protection des environnements terrestres et marins. Ces pertes volontaires de vigilance vont favoriser la dispersion et l’exportation de déchets hâtivement qualifiés de « produits ». Robin des Bois souhaite à minima que les opérations de « sortie du statut de déchet » des déchets dangereux soient réalisées uniquement dans des ICPE comme l’avait décidé le Sénat; un éventuel contrôle par un tiers « le cas échéant accrédité » ne remplacerait pas un contrôle par des agents de l‘Etat. Robin des Bois souhaite également que tous les dossiers de « sortie du statut de déchet » soient examinés par le CSPRT (Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques) et que la traçabilité des ex-déchets ayant bénéficié d’une sortie explicite et argumentée de leur statut soit élargie et renforcée.

3 – Il était prévu par l’article 9bis du projet de loi transmis par le Sénat à l’Assemblée que le gouvernement remette au Parlement dans les 12 mois suivant la promulgation de la loi un rapport sur les besoins hiérarchisés de résorption des décharges sauvages, autrement dit illégales, brutes, sauvages, non autorisées, déposantes et dépotoirs [3]. Elles ont été fermées entre 1990 et le début des années 2000. Elles sont enfouies dans les sols et dans les mémoires et réapparaissent régulièrement à la suite d’inondations, d’incendies de forêts et de l’érosion du littoral. Cet article a été supprimé avant examen par l’Assemblée nationale. Robin des Bois souhaite qu’il soit réintroduit en évitant la confusion entre ces décharges oubliées et les dépôts sauvages de surface qui se multiplient sur l’ensemble du territoire. Si le réexamen de ces décharges non conformes à la loi du 13 juillet 1992 sur l’élimination des déchets n’est pas inscrit dans la loi, leurs éventuelles conséquences sanitaires ou environnementales et les frais financiers associés seront exclusivement à la charge des communes.

 

Sur la sortie du statut de déchets, cf. également « Déchets : les scandales ont de l’avenir » [4], 7 novembre 2018
Sur les terres excavées et les sédiments, cf. également « Ubu TEX » [5], 5 novembre 2019