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Bilan mondial 2006 des navires partis à la démolition

Suite à ses constats anciens sur la fin de vie des navires hors d’usage communément appelés « navires-poubelles » et à l’affaire plus récente du Clemenceau, l’association Robin des Bois a décidé au début de l’année 2006 de mettre en œuvre des moyens documentaires importants pour disposer en fin d’année d’un inventaire précis des navires voués à la démolition. Cette recherche a mobilisé au sein de l’association des ressources humaines constantes et une trentaine de sources bibliographiques spécialisées. En effet, il y a eu à l’intérieur de l’association la volonté de mieux connaître la réalité et les pratiques du marché de la démolition des navires face à la confusion des informations et des opinions délivrées par les institutions politiques comme l’Union Européenne et des organisations non gouvernementales.

Le 1er enseignement, c’est que les chiffres régulièrement cités et repris de 700 à 1000 navires démolis chaque année sont faux. En 2006 Robin des Bois a comptabilisé 293 navires vendus pour la démolition. Etant donné la diversité des sources, le degré de fiabilité de ce bilan final annuel 2006 est très élevé. Une reconstitution moins précise pour 2005 fait apparaître un bilan approximatif, avec une marge d’incertitude de 10%, de 200 navires. Il y a donc une augmentation notable de l’ordre d’un tiers pour les démolitions en 2006 par rapport à 2005.

Le 2ème enseignement important est que sur ces 293 navires, 118 était sous pavillon européen ou appartenaient à des armateurs établis dans l’Union Européenne ou dans l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) ou des principautés comme Monaco. Aucune des transactions internationales liant ces armateurs européens à des chantiers de démolition extra-européens n’a été précédée d’un désamiantage ou accompagnée de notifications relatives à l’exportation de déchets telles qu’elles sont mises en œuvre dans le cadre de la convention de Bâle. Cette même convention a été constamment ignorée dans le cadre de transactions entre les armateurs non européens et les chantiers de démolition où qu’ils soient dans le monde. Le statut juridique de déchets attaché à un navire en fin de vie reste une anomalie juridique incarnée par la seule coque Q 790 et éventuellement par l’ex-France toujours en attente dans la baie d’Alang.

Les tarifs offerts par les démolisseurs indiens et surtout bangladais ont connu une hausse régulière tout au long de l’année jusqu’à atteindre 500 $ la tonne à l’automne au Bangladesh. Le record de l’année a été atteint par le chimiquier Merkur vendu 840 $ la tonne grâce à la présence de 700 t d’acier inoxydable. D’autres facteurs comme la présence de quantités importantes de carburant dans les soutes du navire peuvent contribuer à des prix plus élevés que la moyenne.

Parmi ces 293 navires, 168 (soit 57%) sont partis pour les chantiers de démolition du Bangladesh, 75 (soit 26%) pour ceux de l’Inde, et 21 (soit 7%) pour une destination inconnue ; Les autres ont terminé leur vie en Chine (8), en Turquie (8), au Pakistan (7), aux Etats-Unis (3), au Danemark (2) et au Canada (1).

L’âge moyen est de 31 ans et s’échelonne de 18 ans pour le Myst, un cargo réfrigéré victime d’un grave incendie, à 81 ans pour le Joseph H Frantz, un vraquier américain utilisé sur les Grands Lacs et démantelé au Canada. 129 ont une taille inférieure à 150 m (39 m pour le plus petit, le navire de sauvetage britannique Viking Vixen), 122 mesurent entre 150 et 199 m, et 42 plus de 200 m (290 m pour le vraquier grec Blue Sky).

Avec 107 navires (soit 37%) la catégorie des tankers, chimiquiers et méthaniers est la première parmi ces navires partis pour la démolition, suivie de celle des vraquiers et transporteurs de marchandises diverses (104 navires soit 35%) puis des navires à passagers et rouliers (25 navires, soit 9%) et des porte-conteneurs (24 navires soit 8%). En 2005 aucun porte-conteneurs n’était parti à la casse. La démolition cumulée de ces navires permettra de recycler plus de 1,8 million de tonnes de métaux.

Sur les 293 navires partis à la casse en 2006, 98 d’entre eux ont été dans les années antérieures détenus dans les ports mondiaux et en particulier en Europe pour non-conformité aux règles de sécurité internationales ou écartés des eaux européennes dans le cadre de l’accord franco-espagnol post-Prestige de novembre 2002 dont 18 pétroliers inscrits par l’Agence Européenne de Sécurité Maritime sur la liste des tankers simple coque ayant interdiction de transporter du fuel lourd à partir de 2005 dans le cadre du paquet Erika I.