Décontaminer, détruire et recycler la Reine des Abers
Supplément du bulletin A la casse.com
Construite en 1966, la Reine des Abers attend d’urgence une démolition dans l’Aber-Benoît près de Brest. Cet ex-cargo sablier est représentatif d’une flottille en fin de vie dangereuse pour la sécurité portuaire et pour l’environnement. Par manque de disponibilité d’entreprises spécialisées dans la démolition des navires, nombre de bacs, de dragues, de barges, de pontons, de bateaux de pêche attendent dans les ports, les abers, les estuaires, les fleuves, les canaux et autres pièces d’eau, on ne sait quelle issue miraculeuse. Ainsi la Reine des Abers s’est vue un temps promise à une reconversion culturelle. Ce type de navires construit dans les années 60 -70 recèle des quantités importantes d’amiante, de PCB, de peintures au plomb et à l’étain et de résidus d’hydrocarbures. De petite taille – 22 m de long pour la Reine des Abers – ils cumulent les déchets toxiques dont la dispersion à l’issue du naufrage ultime ou de la destruction à l’ancienne porte atteinte à la qualité générale de l’environnement.
Un scandale bien français : la casse au Bangladesh
Round Robin n°1
Trois armateurs français envoient à Chittagong (Bangladesh) des navires toxiques avec de l’amiante et d’autres dangers. Il s’agit de Gaz de France avec le Descartes qui avait été soi-disant revendu pour exploitation à la société taiwanaise TMT. En fait, après Marseille, le Descartes est resté dans un port chinois pendant plusieurs mois avant de rejoindre le Bangladesh le 19 juillet 2008 ; sa seule activité a été de changer deux fois de nom. Les autres navires sont le pétrolier Muadi appartenant à la compagnie pétrolière Perenco et le pétrolier Serepca 1 appartenant à une filiale de Total. L’Edouard LD de Louis Dreyfus Armateurs et Gaz de France a été revendu « pour exploitation » à Dynacom, armateur grec, en vue de subir le même sort. Malgré le bénéfice énorme (750 $ la tonne pour des navires en fin de vie, voire 1.000 $ la tonne pour les navires contenant de l’acier inoxydable ou des métaux non ferreux comme le Descartes vendu 14 millions de dollars), les armateurs français et européens ne font aucun effort particulier pour améliorer les conditions de travail des ouvriers bangladais.
Le 22 juillet 2008
Il y a de l’amiante dans le gaz
Sujet : vente pirate de navires français et européens
Le navire méthanier Edouard LD propriété de Gaz de France et de Louis Dreyfus Armateurs est voué à la démolition. Construit il y a plus de 30 ans, il a atteint la limite d’âge. L’âge moyen des navires transporteurs de gaz partant à la casse est de 30 ans. Il bat pavillon français. Selon la réglementation française, l’Edouard LD ne pourrait être démoli que dans un pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) ou dans un pays hors OCDE à la condition qu’il soit soumis à l’extraction préalable de l’amiante et des autres matériaux dangereux. L’Edouard LD, et ses 28.000 t de ferrailles, dont une bonne part de métaux non ferreux, pourrait être vendu au prix de 850 $ la tonne au Bangladesh. Il contient entre 800 et 1.000 t d’amiante friable et matériaux amiantés. Pour contourner la jurisprudence française, les armateurs s’apprêtent à vendre l’Edouard LD à un armateur pétrolier grec, Dynacom, dont l’autre activité est d’être une sorte de courtier en navires voués à la démolition.
Q 790 chez 007
Selon un article du Télégramme en date du samedi 14 juin 2008, l’ex-porte-avions Clemenceau pourrait être démantelé dans les chantiers Able en Grande-Bretagne.
Le chantier Able dans le port de Seaton, dans l’estuaire de la Tees près de Hartlepool au Nord-Est de la Grande-Bretagne, a les équipements nécessaires à la déconstruction de la coque Q790. Le profil de l’installation correspond aux meilleurs schémas disponibles. La cale sèche est la plus grande d’Europe et la superficie du site permet de trier et de stocker en sécurité les différents types de matériaux et de déchets issus de la déconstruction.
Bulletin « A la Casse » n°12
Bulletin d’information sur la démolition des navires
n°12 du 1er janvier au 6 juin 2008
Du 1er janvier au 6 juin 2008, 158 navires sont sortis de flotte pour être démantelés. 52 d’entre eux (37 %) ont fait l’objet de détention dans les ports mondiaux ; 61 (39%) étaient controlés par une société de classification n’appartenant pas à l’IACS (International Association of Classification Societies). 43 (27%) étaient sous pavillon européen ou avaient des armateurs de l’Union Européene ou de l’AELE ; 69 (44%) ont été construits dans l’Union Européenne et en Norvège. L’âge en fin de vie se range entre 21 et 64 ans ; l’âge moyen est de 34 ans. 81 ont une longueur inférieure à 150 m, 43 mesurent entre 150 et 199 m et 34 entre 200 et 373 m. La démolition cumulée permettra de recycler près de 1,1 million de tonnes de métaux.
L’Europe envoie ses déchets au Bangladesh
Le pétrolier tanker simple coque Muadi dont l’armateur est la société française PERENCO est vendu pour démolition au Bangladesh, 695 $ la tonne (soit près de 15 millions de dollars). Construit en 1972, le Muadi (ex-Beatrix Voyager, ex-Chevron Zenith, ex-Afran Zenith, ex-La Nina) a été converti en 1982 en stockage flottant et était jusqu’alors utilisé au large du Congo. Ce type d’activités génère dans les citernes et les canalisations des quantités importantes de sédiments et des accumulations de gaz favorisant au moment de la démolition les explosions meurtrières.
La reine du dégazage à la casse au Bangladesh ?
Selon des informations en provenance de Chittagong, trois porte-conteneurs gérés par des compagnies allemandes viennent d’être proposés à la vente sur le marché de la démolition. Ces trois navires sont la propriété conjointe de KGAL, basée en Allemagne, la plus grosse compagnie européenne de leasing maritime*, filiale d’Allianz et de Dresdner Bank, et de V Ships Allemagne, filiale de V Ships Monaco, le plus gros gestionnaire mondial de navires de commerce.
L’Ankara, le Maersk Brisbane, et le Maersk Barcelona (Maersk est seulement l’affréteur) ont été construits en 1975-1976 en Allemagne, sont motorisés par des turbines à vapeur dont la mise en œuvre nécessite des quantités très importantes d’amiante. Ces trois sisterships ont un poids lège de 15.000 t chacun.
La France dilapide le patrimoine maritime
A la suite d’un deuxième appel d’offres international – le premier avait été suspendu à la demande de Robin des Bois (*) – la France a vendu à un chantier naval des Bahamas son dock flottant de 310 m de long et 54 m de large, capable d’accueillir pour réparation ou maintenance des navires de commerce de grande taille.
Aujourd’hui, quand dans la façade atlantique un grand navire de commerce est accidenté dans ses parties immergées ou que l’inspection de l’Etat du port y décèle des défauts de structure, les réparations ou leurs tentatives ont lieu à flot et à quai. L’exemple du Domiat en mai 2006 est là pour le prouver (cf photo droite). Ce vétuste vraquier battant alors pavillon égyptien a subi des réparations incomplètes dans le port de Rouen alors que l’inspection de sécurité du port souhaitait qu’il soit entièrement mis à sec dans le dock flottant du Havre. Or, faute d’entretien de la part de son propriétaire le Port Autonome du Havre et faute d’exploitant, le dock flottant n’était pas disponible.
Illusion d’optique dans l’estuaire de la Gironde
La plate-forme de regroupement et de traitement des déchets de pièces métalliques prévue par le groupe Veolia à Bassens près de Bordeaux autorise le traitement de 20.000 t / an en provenance du démantèlement des navires. Cette capacité n’est pas significative comparée à l’échelle du marché mondial (1,7 million de tonnes de métaux, Cf. les bulletins « A la casse.com » et le « Bilan mondial 2007 des navires partis à la démolition »). C’est une humble contribution par rapport aux perspectives européennes, qui permettra cependant au port autonome de Bordeaux de se débarrasser de quelques casseroles flottantes comme le Tatihou et le Medocain (cf. les communiqués de Robin des Bois « Une poubelle pour Bordeaux », 1er juin 2004 et « Affaires Maritimes ou business », 30 mai 2005). Des bateaux de pêche et des navires de servitude pourraient aussi bénéficier en fin de vie de cette emprise. Mais le traitement des grosses unités comme le Clemenceau (26.000 t) dépasse les capacités administratives de la nouvelle installation.
Bilan mondial 2007 des navires partis à la démolition
Pour la 2ème année consécutive, l’association Robin des Bois a étudié en détail la réalité du marché. La mobilisation et l’analyse d’une trentaine de sources bibliographiques diverses et spécialisées ont permis d’établir un inventaire des navires voués à la démolition en 2007. En 2006, Robin des Bois avait comptabilisé 293 navires vendus pour la démolition. En 2007, nous en avons comptabilisé 288. Si cette baisse en nombre de navires démolis est légère (-2%), elle est plus sensible en ce qui concerne le poids total des métaux recyclés : 1,7 million de tonnes en 2007 contre 1,9 million en 2006 (-10%). La situation diffère cependant selon la catégorie de navires considérée : le nombre de tankers (pétroliers, chimiquiers, transporteurs de gaz) démantelés en 2007 a augmenté de près de 30 % comparé à 2006, alors que celui des vraquiers et autres transporteurs de marchandises a diminué de près de 40 % ; l’âge moyen des pétroliers partis à la casse est de 29 ans, l’âge moyen de l’ensemble des navires de 31 ans, l’âge moyen des vraquiers de 34 ans.