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Comme des bêtes !

Objet: navire abandonné.

Depuis le 14 mars 2002, 10 officiers et marins syriens et libanais survivent à bord du Khalifeh One dans le port du Tréport. Ils ne sont pas payés depuis janvier. Le 13 juin dernier, le Tribunal de Commerce de Neufchâtel-en-Bray a condamné l’armateur à payer l’intégralité des salaires et des dommages et intérêts. Cette procédure a été mise en oeuvre par un avocat havrais avec l’aide de Robin des Bois et à la demande de l’ensemble de l’équipage. Les armateurs ne se sont pas exécutés, la vente aux enchères du navire devant le Tribunal d’Instance de Dieppe devrait avoir lieu en septembre.

La France et l’Union Européenne ont une responsabilité dans le naufrage social du Khalifeh One. En 1999, 2000 et 2001, le Khalifeh One a transporté du bétail entre Sète ou Trieste et Beyrouth, avec un pavillon du Honduras puis un fugitif pavillon de Sao-Tomé, et enfin le pavillon des îles Tonga, le nec plus ultra des sulfureux. Depuis le mois de mars 2001 ce registre de complaisance est suspendu. Quelques unes de ses unités ont été prises en flagrant délit de trafic d’armes et d’immigrants clandestins. C’est sous ce pavillon que deux armateurs anglais, dont l’un demeure à Bédarieux près de Sète, ont tenté de monter un trafic de moutons entre Belfast et le Tréport, avec l’assentiment du consignataire LTS (Le Tréport Stevedoring) et de la Chambre de Commerce du Tréport. La galère a vogué pendant deux voyages puis plus rien; que des dettes et de la détresse. La classification du navire a été faite par un margoulin grec, le Phoenix Register of Shipping, basé comme toujours au Pirée. Ce “détail” a échappé à la vigilance des autorités de Waterford, de Belfast et de Dieppe.

En cinq mois, les Affaires Maritimes françaises sont montées deux fois à bord, pas pour s’enquérir des besoins de subsistance ou du moral de l’équipage. Elles ne mettent pas la main dans ces basses oeuvres, laissant à quelques donateurs le soin de s’impliquer et de se faire pas mal de soucis. Le 6 juin, juste avant l’audience au Tribunal, l’État a proposé 2000 $US à chaque marin en échange de son départ, soit l’équivalent de l’indemnité personnelle ordonnée par le Tribunal de Commerce de Neufchâtel-en-Bray au titre des dommages et intérêts. L’ensemble des arriérés de salaire s’élève à 60.000 $US. Le 18 juillet, les Affaires Maritimes ont réitéré leur offre. Il ne s’agit plus alors de proposer, mais d’imposer les 2000 $US assortis de quelques intimidations du genre “c’est une affaire à saisir, il n’y en aura pas pour tout le monde”. Sachant que depuis le 13 juin, l’équipage a un titre de propriété sur le navire, les Affaires Maritimes du Havre et de Dieppe entendent désormais récupérer la totalité de l’argent qui serait avancé et se subroger aux marins lors de la vente du Khalifeh One. Ce concept d’aide humanitaire remboursable est inacceptable.

Dans la nuit du 24 au 25 juillet, une nouvelle réunion a eu lieu à bord du Khalifeh One, avec les marins et sans les Affaires Maritimes. Sur la base minimale de 2000 $US et d’un billet d’avion fourni par l’Office des Migrations Internationales, et à la condition que cette somme soit versée en espèces car la plupart d’entre eux n’ont pas de compte en banque, les 7 marins les plus endettés et chargés de responsabilités familiales acceptent le principe du rapatriement. Pour compléter l’arrangement dérisoire du ministère des Transports, Robin des Bois s’est engagé à rassembler 500 $US par marin et à leur faire parvenir par les moyens appropriés au plus tard en décembre 2002. Aujourd’hui, c’est à l’État français de jouer. Pour que, comme nous l’a écrit la Présidence de la République, la seule à avoir produit une réponse écrite à ce sujet, “cette affaire pénible soit réglée dans les plus brefs délais “.