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Dans le port d’Amsterdam

L’Union Européenne entre en jeu dans la partie de déconstruction navale. Des navires poubelles commencent à y être démantelés et à fournir à l’industrie sidérurgique des milliers de tonnes d’acier plat à recycler. La France reste à l’écart du mouvement, et ce sont les Pays-Bas qui jouent le chef de file.

Le Sandrien, un pur produit de la filière bolivienne (1) est en cours de déconstruction dans le chantier de réparations navales d’Amsterdam. Le même chantier devrait par la suite démonter l’Otapan (167 m de long). Saisis par le Ministère de l’Environnement, les tribunaux des Pays-Bas considèrent qu’un navire destiné à la destruction est un déchet. En conséquence, le Sandrien, n’a pas pu rejoindre les chantiers asiatiques. S’il le veut, le gouvernement allemand peut introduire la même saisine auprès des tribunaux à propos de l’ex –France (2)

Le chantier d’Amsterdam travaille en conformité avec les directives techniques pour la gestion écologiquement rationnelle du démantèlement intégral ou partiel des navires mises au point par la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination. L’industrie hollandaise de la réparation navale se diversifie dans la déconstruction et espère capter le marché des navires marchands et militaires comme les “ghost ships” de l’US Navy (3 ) et des autres flottes. On nettoie d’abord, on découpe ensuite, c’est le protocole de travail des nouveaux chantiers “verts”. Le Pacific Swan, un cargo spécialisé dans le transport de combustibles irradiés est aussi en cours de démantèlement à Gravendeel aux Pays-Bas.

Le seul armateur français à prendre en compte ces nouvelles orientations, c’est la Marine Nationale. L’essentiel du PCB, de l’amiante libre ou libérable sera retiré du Clemenceau (4) avant la démolition. Les autres armateurs français restent indifférents à une bonne gestion de leurs navires désaffectés.

La liste des matériaux dangereux, hors cargaison ou résidus de cargaison, comprend généralement les PCB, les fibres d’amiante, les liquides anti-gel, les eaux de cale, les eaux mazouteuses du compartiment machine, les gaz CFC (fréon), et les sources radioactives servant à mesurer les taux de remplissage des citernes. De plus, tout ce qui servait à l’entretien des navires – fûts de peintures TBT, d’inhibiteur de corrosion, bonbonnes de gaz comprimés, solvants, lubrifiants – est livré en mauvais conditionnements avec l’épave au moment de la démolition.

Chaque année, entre 500 et 1000 navires marchands partent à la casse. Il n’y a pas de file d’attente dans les chantiers de démolition suite aux restrictions d’emploi des tankers à coque simple récemment entrées en vigueur. Un tanker est susceptible d’être reconverti en transporteur de mélasse ou en stockage flottant (5) et les pétroliers à coque simple continuent de livrer des hydrocarbures aux Etats-Unis et d’y provoquer des marées noires, comme l’Athos I , un bateau chypriote en novembre 2004 près de Philadelphie. Les pétroliers à simple coque seront autorisés jusqu’en 2015 aux Etats-Unis. La tension est telle sur le marché du fret maritime que le retrait définitif des navires est constamment repoussé.

Depuis 1999, Robin des Bois demande à l’État français et à l’Europe d’organiser le démantèlement des navires en fin de vie pour éviter qu’ils ne “ressuscitent” ailleurs ou qu’ils n’y soient détruits dans des conditions sanitaires inacceptables. L’initiative hollandaise peut être considérée comme un apprentissage avant le boom de la déconstruction envisagé pour la décennie 2010-2020.

1 – 15 décembre 2000 ” La filière bolivienne”
2 – 7 mars 2005 “Après le quai de l’oubli au Havre, le quai de l’amnésie à Bremerhaven”
3 – 8 décembre 2003 “Un espoir pour les navires en fin de vie”
4 – 25 octobre 2003 “Les errements de la déconstruction navale”
5 – 4 mars 2002 “SOS Gatteville”