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De l’Asbestol au Pyralène

Les PCB sont des hydrocarbures cycliques chlorés dérivés du benzène. Ils ont été pour la première fois synthétisés en Allemagne en 1881. La production industrielle a commencé aux Etats-Unis à partir de 1929 et s’est étendue à la Belgique, l’Italie, le Japon, la France, la Russie. Il étaient dans un deuxième temps mélangés à des solvants puis filtrés et commercialisés sous les noms de Asbestol, Abuntol, Inerteen, Therminol, Hydol, et Pyralène en France, autant de noms commerciaux qui témoignent de l’enthousiasme des producteurs et de leur sens du marketing. Les PCB étaient à la chimie ce que le radium fût à la médecine.

 

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Askarel est un terme générique pour tous les liquides isolants contenant des PCB

Les qualités diélectriques, adhésives, plastifiantes, ignifugeantes et biocides des formulations aux PCB ont induit des utilisations multiples et une imprégnation de l’environnement atmosphérique et aquatique.
Les PCB ont été employés en système dispersif dans les encres, les papiers, les textiles, les linoléums, les peintures, les câbles, les cordes, les adhésifs, les PVC, les cartes électroniques, les caoutchoucs, joints et mastics, des carburants. Ces applications ouvertes ont rejeté les PCB dans l’environnement pendant les fabrications, en cours d’usage et après usage. Faute d’informations précises, l’atlas des sites pollués aux PCB ne prend pas spécifiquement en considération les usines où les PCB ont servi d’additifs et où ils ont donc été manipulés et stockés. Il est probable que plusieurs de ces sources fixes ont contaminé des remblais et se retrouvent dans la typologie des remblais pollués par des causes inconnues.

Les PCB ont aussi été utilisés dans des applications semi-ouvertes comme les fluides hydrauliques, les liquides de transferts de chaleur, les huiles de lubrification, les huiles d’usinage de métaux, et les électro-aimants. Les PCB pouvaient alors au moment de leur emploi, de leur remplacement ou de leur régénération contaminer directement ou indirectement les lieux d’utilisation ou les milieux naturels périphériques.

Les PCB ont été utilisés dans les condensateurs d’appareils électroménagers et des véhicules à moteurs, dans les ballasts de lampes à fluorescence et des néons. Ces usages clos envahissent et contaminent en fin de vie les décharges, les sites de broyage ou de recyclage, même si chaque dispositif contient seulement quelques 10 à 200 grammes de PCB. Ils exposent aussi ceux qui sont dédiés au démontage des Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques (DEEE) à des risques sanitaires sous-évalués.

D’autres condensateurs contiennent plusieurs kilos de PCB et sont intégrés au réseau électrique de l’habitat collectif, des installations industrielles et tertiaires. En fin de vie, ils ne rejoignent pas toujours les filières d’élimination règlementaire et sont souvent enfouis et écrabouillés, se transformant brusquement de système clos en système ouvert, vers l’environnement.
Les gros systèmes clos sont les transformateurs électriques qui pour les plus importants peuvent contenir plusieurs centaines de litres de PCB. En plus des fuites en cours d’usage couramment épongées par des serpillières ou de la sciure, la vulnérabilité principale des transformateurs de puissance est leur démontage hors normes par des voleurs de cuivre.

Pour clore ce panorama des utilisations les plus connues du PCB, il faut mentionner le cas oublié des radiateurs mobiles à huile remplis entre 1950 et 1980 d’huiles aux PCB et qui n’ont jamais pu trouver de filière dédiée en fin de vie, hors les trottoirs, les décharges sauvages et un site de broyage dans la Loire.

Il suffisait de s’en souvenir et de les chercher pour les trouver à tout bout de champ, tapis dans les sédiments, cachés derrière les arêtes, transportés de l’herbe au lait et au sang.

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Les sources des PCB et leurs cachettes sont multiples ; les motifs de dispersion sont presque innombrables, des négligences aux inondations. Ils arrivent aussi par aérosols parachutés. Comme il paraît loin le temps – pourtant c’était hier – où une usine de décontamination des transformateurs aux bords du Rhône était désignée comme la seule responsable.

Pour sa part, Robin des Bois prolonge son travail d’investigation, de compilation et de mise à disposition d’informations mises à jour et anciennes.

A la dernière réunion du Comité national de pilotage et de suivi sur les PCB, il a été dit par un représentant du Ministère de la Santé que des teneurs importantes en PCB avaient été mesurées chez des employés de la filière de dépollution des transformateurs. Le représentant de l’association Robin des Bois a immédiatement réclamé des informations complémentaires à ce sujet et souhaité qu’en cas de nécessité tous les acteurs de la filière soient informés et alertés.

Une nouvelle famille fait son apparition : celle des laveurs, broyeurs et récupérateurs de fûts. Ecofût, plus connu sous le nom des Etablissements Goux à Coudun 60) a laissé sur le carreau de la liquidation judiciaire des milliers de fûts parfois ouverts, parfois fermés, remplis d’eaux météoriques, de résidus et de liquides inconnus. La première action d’urgence réalisée par l’ADEME a dépisté dans la fosse des égouttures des teneurs de 150 mg/kg de PCB, soit des déchets PCB au regard de la réglementation. Des clients d’Ecofût ont donc volontairement ou involontairement fourni des emballages pollués aux PCB. Faute d’une caractérisation fût par fût, des liquides pollués aux PCB se sont introduits dans le process d’Ecofût.
Il est donc légitime d’intégrer dans cet inventaire les entreprises similaires à Ecofût même si elles ne présentent pas les mêmes signes de négligence et de précarité. Dans la même logique, il serait intéressant de mener des investigations dans les entreprises chargées de nettoyer les citernes et les remorques des camions qui sans être dédiés exclusivement aux transports de PCB liquides ou solides en amènent régulièrement dans les centres de regroupement d’EDF et dans les centres de décontamination.

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Goux-robindesbois [2]

 

Les faux amis
Des substituts au pyralène et autres appellations commerciales de PCB interdits d’usage depuis 1987 ont été commercialisés jusqu’en 1994 sous le nom d’Ugilec ou encore DBBT. Considérés comme inoffensifs lors de leur mise sur le marché en 1981, leur écotoxicité, leur persistance dans l’environnement et leur potentiel de bioaccumulation ont été in fine reconnus et la directive européenne du 18 juin 1991 [3] en a proscrit la commercialisation et l’utilisation à partir de juin 1994. Ces substituts sont désormais assimilés aux PCB. Les équipements électriques fabriqués jusqu ‘en 1994 sont susceptibles d’en contenir et devraient dans la continuité de la lutte contre les perturbateurs environnementaux et endocriniens faire l’objet d’un diagnostic et si nécessaire être intégrés au plan de décontamination et d’élimination en cours.

Les effets sanitaires et environnementaux des PCB sont résumés dans la fiche INRS [4] et le communiqué « 33.462 t de pyralène dans les préfectures [5] ».