“A la Casse” n°68, le mondial de la démolition des navires

21 févr. 2023

A la Casse n°68
1er juillet – 31 décembre 2022. 101 pages (pdf 18,9 Mo)

La démolition des navires de commerce est en panne. Un seul chiffre résume la dépression. Dans le n°65 de “A la Casse” consacré aux mois d’octobre, novembre et décembre 2021, le convoi des navires démolis avait une longueur de 21 km. Dans ce n°68 dédié aux 6 derniers mois de l’année 2022, le convoi des navires démolis a une longueur de 20 km.

Tresta Star, île de la Réunion, océan Indien (France). The END, p. 97 © Jace

Un armateur de l’Union européenne s’illustre par ses négligences et son opportunisme financier. Exploité de 2004 à 2021 par Bocimar, filiale de la prestigieuse CMB (Compagnie Maritime Belge), le vraquier Star Tianjin – 289 mètres de long – a été démoli au Bangladesh. Il a été revendu quelques mois avant son arrivée à Chattogram, ex-Chittagong, à une certaine Chartworld Maritime Management basée en Grèce. Le chantier de démolition l’a acheté au prix de 600 US$ la tonne. La vente du Star Tianjin a rapporté à Bocimar et à son intermédiaire grec plus de 14 millions d’US$ (cf. chapitre vraquier p. 54 à 64).

L’Union européenne est aussi impliquée dans 2 scandales de bétaillères maritimes. Lire à ce sujet p.15 “L’Union européenne complice d’un armateur esclavagiste” et p.17 “L’Union européenne navigue entre trafic de bétail et trafic de cocaïne”. La quasi-totalité des bétaillères agréées par l’Union européenne sont des navires sous-normes et hors normes qui auraient dû être démolis depuis plusieurs années d’autant qu’elles transportent des “marchandises” vivantes.

Loin des flonflons, des grands pavois et des baptêmes arrosés, les méga paquebots construits par les Chantiers de Saint-Nazaire en France finissent en catimini en Turquie et en Inde (p. 34 à 40). Dans le dernier semestre 2022, l’ex-Noordam est parti à la casse à Aliaga, les ex-Windward et Dreamward à Alang. L’ex-Nieuw Amsterdam en 2018 et l’ex-Star Princess en 2021 avaient aussi subi en Inde des rituels de destruction archaïques et dangereux pour les ouvriers et l’environnement. Saint-Nazaire construit dans le clinquant et l’opulence, Alang détruit dans la misère. En 2020 les ex-Monarch of the Seas et Sovereign of the Seas ont été démolis en Turquie en polluant la mer Egée et en exposant la santé et la vie des ouvriers. Depuis 2018, huit autres navires marchands construits dans les Chantiers de l’Atlantique ont été démolis à l’international : les méthaniers Gastor, Mourad Didouche, Nestor, Puteri Firus, Ramdane Abane et le porte-conteneurs Therese Delmas au Bangladesh, le méthanier Gadinia en Chine, et le pétrolier Esso Picardie en Inde. Si l’on ajoute à ce bilan l’ex-porte-avions Foch (p. 3), les chantiers navals de Saint-Nazaire peuvent être considérés comme des exportateurs majeurs et inconséquents de navires en fin de vie.

Les car ferries (p. 28 à 33) ne sont pas mieux lotis que les paquebots. Cloisonnés par de l’amiante pour réduire les risques d’incendie, ils ont été détruits en Inde, au Bangladesh, en Turquie et dans un chantier informel en Uruguay. Ouf! Le Dahab est enfin parti à la casse. Ce roulier dangereusement converti et jumboïsé en transporteur de pèlerins vers La Mecque n’a heureusement pas subi le même sort que l’Al Salam Boccaccio 98 qui après sa conversion de car ferry en transporteur de pèlerins a pris feu et coulé en Mer Rouge le 3 février 2006, provoquant la mort d’au moins 1000 personnes. Trois autres car ferries partis à la casse pendant le second semestre de l’année 2022 sont passés pour la 2ème ou 3ème partie de leur interminable carrière de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud ou de l’Europe du Nord à la Méditerranée, avec pour l’un d’entre eux un retour en mer du Nord en tant qu’hébergement flottant. Construit en Espagne, exploité en Europe du Nord puis en Méditerranée, l’Albayzin a fini sa carrière en Amérique du Sud. Ces épargnés par les incendies et les naufrages ne doivent pas faire oublier que les car ferries et autres transbordeurs ainsi trimbalés sur l’océan mondial ont fait des milliers de morts entre 2008 et 2018 selon l’inventaire de Robin des Bois (“Transport maritime et fluvial de passagers : plus de 12.000 morts“) et continuent à être meurtriers.

Au tableau des bonnes nouvelles, le chantier Navaleo à Brest, France, a été retenu pour la démolition des remorqueurs de haute mer Abeille Languedoc et Abeille Flandre (cf. chapitre remorqueur p. 24 à 27), et le chantier de Frederikshavn au Danemark procède à la démolition du Petrojarl Foinaven, 250 mètres de long, le plus grand navire marchand jamais démoli dans l’Union européenne (cf. chapitre tanker p. 65 à 82).

La première page de “A la Casse” n°68 et les pages de fin 97 à 100 sont consacrées à l’échouement du pétrolier Tresta Star sur un récif basaltique de l’île de la Réunion après avoir dérivé sur 200 km depuis Port-Louis, île Maurice, sous l’effet d’un cyclone. L’équipage a été sauvé. Faute de moyens logistiques et financiers pour le dégager, le Tresta Star sera démoli sous la responsabilité de la houle et du temps qui passe. L’île française de la Réunion et Maurice sont insuffisamment protégés des accidents maritimes. Le naufrage du Tresta Star survient après celui du Wakashio en 2020 (cf. “Avis de marées noires sur l’océan mondial“, 10 septembre 2020).

“A la Casse” n°68, pdf 101 pages (18,9 Mo)

 

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