Punaises de lit (Cimex lectularius)

13 févr. 2020

Les piqûres et le harcèlement nocturne sont dangereux pour la santé physique et la santé mentale mais le stade de la désinsectisation peut pour les usagers d’un appartement déclencher une deuxième vague de soucis.

Le témoignage qui nous est parvenu d’un habitant du 19ème arrondissement de Paris est à cet égard édifiant.

Cette personne avait contacté le Département Faune et Actions de Salubrité (DFAS), et le Service Parisien de Santé Environnementale (SPSE) en octobre 2019 au sujet d’une pullulation de punaises de lit dans son logement. L’intervention planifiée de l’équipe sanitaire a été brutale. Elle a procédé à la désinsectisation à partir 15h. A 18h l’usager est revenu sur les lieux conformément aux recommandations transmises oralement par le chef d’équipe. Il s’agissait 3h après le début de l’opération d’entrer très vite dans l’appartement en mettant un mouchoir devant la bouche et le nez, si possible de faire cette incursion en apnée, d’ouvrir la fenêtre puis de repartir aussitôt et enfin de revenir dans le logement 2h après cette opération de ventilation.

L’usager a commencé, à cause de la précipitation qui lui avait été recommandée, par se casser la figure sur le plancher qui était enduit d’un inattendu liquide glissant et dégageant une odeur chimique. Cette glissance n’avait pas été signalée.

Le premier traumatisme physique de la victime a donc été une lésion du ménisque.

Quand elle est revenue à 22h dans son logis, l’air était toujours irrespirable et le sol recouvert en partie de linoleum était toujours une patinoire. Le mobilier et même le matelas étaient humides. Au bout d’une heure, la victime a commencé à ressentir des symptômes inattendus, comme des brûlures aux mains et des assèchements de muqueuses. Il a été contraint de fuir et de trouver un hôtel en urgence.

A sa demande et sur conseil de son médecin, le patient a réclamé au SPSE de lui transmettre les Fiches de Données de Sécurité (FDS) des produits employés. Il s’agit de l’AEDEX PAL caractérisé par les phrases de risques suivantes :
– H304 Peut être mortel en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires.
– H317 Peut provoquer une allergie cutanée.
– H400 Très toxique pour les organismes aquatiques.
– H410 Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets à long terme.
EUH066 L’exposition répétée peut provoquer dessèchement ou gerçures de la peau.

Les substances actives de l’AEDEX PAL sont la Perméthrine et la D-Tétraméthrine. Son usage pour un emploi dans un local meublé et confiné est déconseillé. La Perméthrine est un insecticide de plein air ou au pire de locaux intérieurs mais ventilés.

Le deuxième produit utilisé était le NITOXANE NF, une autre préparation à base de Perméthrine, lui aussi déconseillé en milieu fermé et insuffisamment ventilé.

Questionné par l’administré du 19ème arrondissement sur les conditions de désinsectisation de son appartement, la Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé et le Département Faune et Actions de Salubrité ont reconnu qu’après avoir examiné ce cas dit « particulier », que leur équipe avait un tant soit peu improvisé. « En effet, les agents reconnaissent avoir mis un peu plus de produit que d’habitude à cause de l’infestation constatée, et sont vraiment désolés que le désir de bien faire ait produit l’effet inverse. »

Les services parisiens ajoutent qu’ « il arrive que certaines personnes fassent une réaction aux produits chimiques. »

Un regard extérieur pourrait être enclin à considérer cet événement comme une anecdote mais pour l’intéressé et pour sans doute des milliers d’autres, c’est un traumatisme et une catastrophe. Il est indispensable face à la fulgurance de la colonisation des punaises de lit de définir et d’appliquer des protocoles fiables de prévention et de traitement. Manifestement, la Ville de Paris et d’autres villes n’ont pas encore compris l’ampleur de l’enjeu. Même si à ce jour les punaises de lit ne sont pas suspectées d’être porteuses de virus transmissibles au genre humain, elles constituent de par leur nombre et leur capacité de reproduction un fléau sanitaire et social majeur.

Toute intervention de désinsectisation d’un logement doit être strictement encadrée par des consignes de sécurité envers les intervenants et les occupants et doit être anticipée : tout le mobilier doit être évacué préalablement à l’intervention, les animaux domestiques doivent être également évacués, y compris les poissons rouges. A la suite de l’intervention, il faut éviter un retour précoce dans le logement. L’ARS préconise d’attendre 4h au minimum et si possible 24h.

L’exposition professionnelle des équipes d’intervention aux pesticides employés justifie à notre sens la surveillance sanitaire renforcée dont bénéficient les travailleurs de la chimie. Les matelas et autres encombrants mous, comme les canapés, retrouvés dans les rues devraient être tous dirigés vers la filière incinération pour réduire les risques de translation des punaises de lit et de leurs œufs aux agents de la voirie et aux salariés des entreprises de recyclage. L’autre mauvaise nouvelle est que les livres, bibliothèques et archives sont des refuges pour les punaises de lit.

De nombreuses entreprises de désinsectisation en Île de France et dans d’autres régions se déclarent agrées par le « Ministère », sans ajouter de quel ministère il s’agit. De toute façon, aucun ministère ne délivre de certification à des exterminateurs de punaises de lit. Ces entreprises sont peu scrupuleuses et n’hésitent pas à facturer leurs interventions à des prix exorbitants, de 3000 à 4000 €, pour des résultats médiocres. Les services d’intervention anti-punaises de lit de la Ville de Paris sont gratuits. La gratuité n’est pas synonyme d’éradication et d’innocuité sanitaire. Les modalités d’intervention des services municipaux se doivent d’être renforcées et formalisées.

Il est primordial, lors de l’entrée dans un nouveau logement, de vérifier l’absence de punaises de lit. Des brigades canines sont efficaces dans cette recherche. D’autre part, la présence dans les placards de vieux emballages de pesticides est un indice à prendre en compte.

L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et l’article 1719 du Code civil précisent que tout bailleur est tenu de remettre au locataire « un logement décent » et « exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites ». Le bailleur doit assurer au locataire « la jouissance paisible du logement » et « le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle ». Le silence du bailleur sur la présence des punaises de lit dans le logement constitue une « réticence dolosive » et donc passible de sanctions.

Nous laissons aux lecteurs le soin de se renseigner sur les moyens les plus fiables de lutter contre la prolifération des punaises de lit. Des solutions comme la congélation des mobiliers et des archives sont disponibles.

 

 

 

 

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