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L’agonie d’une fabrique de nitrate d’ammonium

Communiqué du 2 février, mis à jour le 8 février

La désindustrialisation et la peur de l’ammoniac font trembler la ville de Mazingarbe (Pas-de-Calais) et l’Artois.

L’usine est spécialisée depuis 1925 dans la fabrication de nitrate d’ammonium entrant dans la composition d’engrais et d’explosifs de carrières et de mines. Elle a été vendue par une filiale de Total au groupe hispano-américain Maxam en 2011.

La tension remonte à juin 2020, quelques semaines avant l’explosion de Beyrouth. Après avoir capté la clientèle, bénéficié de la compétence d’une centaine de salariés et asséché les finances en revendant au-dessous du prix du marché du nitrate d’ammonium produit à Mazingarbe à d’autres filiales du groupe, Maxam met en avant la conjoncture Covid-19 et un prétendu retournement du marché pour mettre sous cloche les installations et les équipages.

Les élus, le sous-préfet, le préfet, la ministre chargée des enterrements industriels communiquent, protestent, adjurent, écrivent, s’indignent, défilent masqués dans les allées désertes de l’usine et repartent dîner en ville.

Personne ne se rend compte que le coma de Maxam dans le nord de la France coïncide avec l’inauguration dans la province du Shandong en Chine d’une usine flambant neuve dont Maxam s’enorgueillit et vante la culture de sûreté.

Par contre, à Mazingarbe la sécurité n’est pas au top. La Seveso seuil haut est tombée bien bas. La sphère d’ammoniac (NH3), matière intermédiaire de la fabrication du nitrate d’ammonium, a une capacité de 1780 t. Elle en contient environ 1000. Les vapeurs de NH3 sont toxiques, corrosives, explosibles, inflammables. Une perte du confinement due à une défaillance structurelle ou à un facteur externe serait ressentie dans un rayon de 10 km. Selon les conditions météorologiques du moment, l’accident serait susceptible d’obliger à l’évacuation ou au confinement de 67 communes des départements du Pas-de-Calais et du Nord. Pour réduire la probabilité d’occurrence de cet aléa catastrophique, des dispositions constructives comme la pose d’un détecteur de chocs, le remplacement et la consolidation des canalisations, le sectionnement du réseau ont été mises en place. La ruine de la sphère d’ammoniac a été dès lors considérée comme « un évènement possible mais extrêmement peu probable ». Elle a été écartée du Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) qui encadre l’urbanisation autour des sites Seveso mais les services de la protection civile ne l’ont pas écartée et l’ont intégrée dans leur Plan Particulier d’Intervention.

Depuis juin 2020, la production n’a pas repris et la décomposition de l’usine Seveso seuil haut est aujourd’hui irréversible. Maxam Mazingarbe a été mis en liquidation judiciaire à la mi-janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole. Le Tribunal a autorisé la poursuite de l’exploitation de l’usine pendant 3 mois, le temps nécessaire selon lui pour mettre le site en sécurité. C’est désormais un administrateur judiciaire qui est l’exploitant de l’usine toujours classée Seveso et l’employeur de 74 salariés. C’est sous sa responsabilité que la vidange et la revente des 1000 t d’ammoniac et des autres matières et produits dangereux seront effectuées. Les recettes contribueront à payer les salaires.

La DREAL se refuse à tout commentaire sur l’inventaire des matières et substances dangereuses à l’intérieur du site. Il est probable que des lots fractionnés d’engrais et d’explosifs azotés contenant du nitrate d’ammonium soient en attente de commercialisation et que des volumes importants d’acide nitrique soient confinés dans des cuves.

Connaissant les lacunes en culture des risques industriels des liquidateurs judiciaires, Robin des Bois souhaite que les services de l’Etat contrôlent 24/24h toutes les opérations de mise en sécurité du site en coopération avec les salariés et leurs représentants syndicaux.

Après le temps de la mise en sécurité et de l’inertage des installations qui permettront au site de s’affranchir du statut Seveso, viendra le temps beaucoup plus long du démantèlement et de la dépollution. L’emprise s’étend sur plus de 100 hectares. Les sols et les eaux souterraines sont lourdement pollués par un siècle d’activités et d’accidents industriels.

 

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Mise à jour du 8 février 2021:
Un vol ou des vols successifs ont abouti à la disparition de toiles imprégnées de platine et de rhodium et de 6 kg de chacun de ces métaux précieux. Le platine et le rhodium sont utilisés en tant que catalyseurs dans les fours de Maxam à Mazingarbe (Pas-de-Calais) pour produire de l’oxyde nitrique, précurseur de l’acide nitrique qui avec l’ammoniac forme le nitrate d’ammonium. La disparition des toiles et des lingots a été constatée par des membres du personnel de Maxam le lundi matin 1er février. L’information a été publiée par la presse locale le 5 février. Le mardi 2 février, Robin des Bois avait publié un communiqué exposant ses inquiétudes sur la fin de vie de cette usine spécialisée dans la production de nitrate d’ammonium. Robin des Bois appelait la DREAL, en coopération avec le personnel et leurs représentants syndicaux à exercer une surveillance 24/24h pour réduire les risques d’intrusion et de malveillance. Le préjudice est estimé à 350.000 €. La vente des lingots de platine et de rhodium par le liquidateur judiciaire de Maxam devait contribuer à payer les salaires du personnel occupé à mettre en sécurité le site pendant 3 mois.

Lien vers le communiqué « L’agonie d’une fabrique de nitrate d’ammonium » [1], 2 février 2021