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Les Aires Marines Protégées au péril des boues de dragage

Colloques, soliloques, parlottes et tours de tables, les Aires Marines Protégées ne sont jusqu’ici que de vastes espaces où chacun entend protéger ce qu’il a de plus cher, c’est-à-dire ses propres intérêts même s’ils sont glauques comme les boues de dragage. La voie est encore longue pour amener à la raison les minorités agissantes qui sont souvent les plus polluantes.

La Rochelle en ce sens est édifiante. Dans le cadre de l’extension et de l’approfondissement du port de plaisance des Minimes -trimarans, catamarans et monocoques de compétition obligent-, 1 million de m3 de boues radioactives et chargées d’autres polluants doivent être extraites du chenal d’accès au vieux port en octobre 2011 et dispersées en mer dans le site Natura 2000 dit du Pertuis Charentais. Cet ensemble de 456.000 ha est décrit comme un des écosystèmes marins les plus productifs dans les eaux sous responsabilité française. Plusieurs espèces menacées, l’esturgeon, l’alose, le marsouin y sont présentes. En même temps, c’est une importante ressource économique pour les pêcheurs professionnels qui, grâce à des techniques diversifiées, alimentent les criées et le marché régional. Les bassins ostréicoles de l’île de Ré et de Marennes-Oléron s’inscrivent dans le Pertuis Charentais.

L’étude d’impact sur cette extension du port de plaisance de la Rochelle date de 2005. Elle ne tire donc aucune leçon de la tempête de submersion Xynthia et prétend que l’implantation de 2 digues nouvelles dans la Baie de la Rochelle ne modifiera pas l’agitation ou les risques de submersion en cas de très fortes tempêtes océaniques. Les analyses chimiques ou physicochimiques faites avant 2005 ne prennent pas en compte la redistribution des contaminants dans les sédiments de la Baie après Xynthia. Pour autant, elles alertent sur le potentiel toxique du volume des boues draguées pour les besoins de l’extension du port de plaisance. Le flux serait d’environ 40 tonnes de plomb, 1 tonne d’Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, 360 kg de cadmium et 120 kg de mercure. Les flux en azote et en phosphore rejetés en mer seraient respectivement de 1.500 tonnes et 700 tonnes. La qualité bactériologique est mauvaise ou très mauvaise selon les 5 échantillons prélevés et analysés avant 2005. L’indisponibilité pendant plusieurs semaines de la station d’épuration de Port Neuf, après Xynthia, a sans conteste aggravé la situation. Ces poisons seront rejetés entre l’île de Ré et l’île d’Oléron sur le site d’Antioche, qui n’a rien d’abyssal, d’une profondeur de 20 à 25 m. A la demande de Robin des Bois, des analyses complémentaires radiologiques ont été réalisées entre 2009 et 2010. La valeur moyenne en thorium des sédiments marins sur le littoral français est de 8 mg/kg. Trois carottages réalisés sur les sédiments à draguer atteignent ou dépassent 40 mg/kg. C’est héritage de l’usine Rhodia ex-Rhône Poulenc. Aucune étude d’impact radiologique sur la biodiversité marine n’a été réalisée.

En conclusion, cette opération d’immersion de boues de dragage dans le site Natura 2000 du Pertuis Charentais ne prend pas en compte la protection sanitaire de la biodiversité marine et des ressources halieutiques, ne prend pas en considération la salubrité des coquillages et la santé publique, se moque du plan de lutte contre les algues vertes et sacrifie l’équilibre écologique et économique d’une vaste mosaïque d’écosystèmes au seul intérêt de la filière nautique.

Robin des Bois estime que ce cas d’école doit faire l’objet de nouveaux arbitrages guidés par les engagements du Grenelle de la Mer et les enseignements de la tempête Xynthia.