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Les poissons mangent les baleines

63ème réunion plénière de la Commission Baleinière Internationale Jersey 11 – 14 juillet 2011
Communiqué n°2

Les partisans de la chasse à la baleine disent à satiété que les baleines doivent être régulées pour éviter la compétition avec les activités de pêche. Les documents issus de la chasse « scientifique » japonaise débordent d’estomacs de baleines pleins de petits poissons pélagiques. Pour Robin des Bois, défenseur des baleines, le temps est venu de démontrer avec objectivité que les baleines ont de nombreux effets positifs sur l’ensemble de l’écosystème marin et même hors mer, on ne peut pas reprocher aux baleines de tout prendre et de ne rien rendre à l’usage des hommes qui effectivement prennent tout à la mer et ne lui rendent rien, si ce n’est des pollutions multiples et des nuisances en croissance.

1 – Les cultivatrices des fonds marins
Certaines espèces de baleines, les baleines grises, les baleines franches, les baleines à bec ou encore les baleines à bosse sillonnent les fonds océaniques à la recherche de proies comme des vers, des crustacés planctoniques ou des lançons. Cette pratique de retournement et de dispersion des sédiments renforce la productivité biologique(1). Les baleines ne font pas des fonds marins un champ de bataille(2). Au contraire, c’est un plan de gestion. Les baleines grises aspirent les vases sous-marines, filtrent les crustacés et rejettent en les dispersant les sédiments et les nutriments associés. C’est une forme de nettoyage, de recyclage et d’ensemencement.

Les dépressions de plusieurs mètres de long ou de diamètre sont dans un premier temps colonisées par des espèces benthiques attirées par les restes du festin. Dans un deuxième temps, elles concentrent des débris organiques – coquilles, résidus végétaux, squelettes de zooplancton – qui servent à la fois d’abri et d’aire d’alimentation à de nouvelles communautés benthiques.

Par rapport aux sédiments témoins, la biodiversité et la densité des espèces sont de 2 à 30 fois supérieures dans les sols labourés(3) ; une manière pour les baleines d’entretenir leur jardin et d’enrichir le bien commun tout en garantissant pour la saison suivante un revenu alimentaire minimum.

2 – Les meilleurs engrais du monde
Si les baleines s’alimentent dans les profondeurs de la mer, c’est évidemment en surface qu’elles respirent mais aussi … qu’elles défèquent ; 15 kg / jour, c’est ce que produit une baleine franche ou un rorqual commun(4). Ces 15 kg de mixture fécale liquide, blanche orange ou rouge et redoutablement malodorante sont riches en azote, en phosphore et autres minéraux immédiatement biodisponibles. Premiers sur les lieux, des oiseaux de haute mer comme les pétrels-tempête profitent de l’aubaine pour y dénicher des vestiges de crustacés ou de céphalopodes(5). Dans un second temps, la majorité des matières fécales coule en 1h(6) et se disperse sous la surface de l’océan ; en combinaison avec la photosynthèse, elles dopent alors la production de plancton végétal, premier anneau de la chaîne alimentaire marine et première pierre de la biodiversité. Cette fertilisation primaire a un effet positif sur les stocks d’invertébrés et de poissons ; des équipes universitaires de la côte est des Etats-Unis affirment que la présence ou le passage des baleines ont grâce à ce mécanisme de fertilisation des effets bénéfiques pour les pêches(7). L’azote et le phosphore rejetés en mer par les activités humaines se concentrent dans les estuaires et les eaux côtières ; les baleines au cours de leur migration hauturière enrichissent des milieux pauvres en production planctonique. Les baleines sont des éleveuses de plancton.

3 – La mine de fer des cachalots.
Le cachalot n’est pas en reste. La population de l’océan austral est estimée à 12.000 individus. Selon une étude récente, ces grands plongeurs des profondeurs rejettent à la surface de l’océan austral 50 tonnes de fer par an réparties dans les matières fécales(8). Si l’on prend en compte la dernière estimation de la population globale – 360.000(9) –, les cachalots, espèce cosmopolite, épandent 1.500 tonnes de fer par an à la surface de l’océan mondial. Le fer est un nutriment crucial pour le développement du plancton végétal. Pendant que les cachalots du 21ème siècle – un dixième de la population du 20ème siècle – procèdent à cette redistribution biologique du fer, la géo-ingénierie humaine réfléchit à l’épandage artificiel de fer dans les zones océaniques « mortes » où le plancton est en voie d’extinction …

4 – Les baleines puits à carbone
L’océan est de loin le plus grand réservoir de CO2. La biomasse sous-marine joue un rôle primordial dans le climat planétaire. La présence du fer et des autres nutriments comme l’azote et le phosphore dans les matières fécales des baleines et des autres mammifères marins contribue à la croissance du plancton végétal qui tout au long de ses cycles de vie sert pendant des siècles et des millénaires de puits à carbone primordial pour la régulation climatique de l’ensemble de la planète Terre. Selon l’équipe scientifique australienne, la seule population de cachalots de l’océan austral revenue à son niveau initial d’avant la chasse industrielle contribuerait chaque année à stocker dans l’océan environ 2,2 millions de tonnes de CO2(10).

Quant à eux, les scientifiques américains soulignent que chaque organisme marin stocke d’une manière constante du carbone et que la quantité stockée est proportionnelle à la taille de l’animal. Ils insistent sur le fait que la restauration à leur niveau initial de huit grandes espèces de cétacés – baleine bleue, rorqual commun, baleine à bosse, rorqual de Sei, petit rorqual, baleine grise, baleine franche, baleine boréale – équivaudrait en tenant compte de leur seule masse corporelle aux capacités de stockage de CO2 d’une forêt de 1.100 km².(11)

5 – Après la mort, les baleines créent un écosystème
Les services écologiques rendus à la mer par les baleines se poursuivent après leur mort.
Au fond des mers, les carcasses de baleines sont analogues à des oasis dans les déserts terrestres. Chacune d’entre elles nourrit pendant plusieurs semaines des espèces dont certaines comme les grenadiers ou les morues charbonnières ont aussi un intérêt commercial. Vient ensuite la deuxième phase de décomposition et de reconversion. Chaque carcasse génère un écosystème localisé et des réseaux trophiques complexes qui assemblent poissons, crustacés, mollusques et échinodermes.

La troisième phase dure plusieurs décennies. Elle est caractérisée par l’implantation de bactéries extrémophiles spécialisées dans la chimie du soufre.

La Suède, le Japon et les Etats-Unis grâce aux travaux de Craig Smith ont réalisé des recherches importantes et pionnières dans ce domaine.

Robin des Bois en a effectué une synthèse intitulée « De l’utilité des baleines » (pdf).

Les contributions positives des baleines à la productivité de l’océan mondial et à la régulation du climat doivent être et prises en compte et explorées par la Commission Baleinière Internationale et les autres forums internationaux. Depuis le berceau jusqu’à la tombe, le cycle de vie d’une baleine est utile aux biens communs.

(1) Nelson, H.C., Phillips, R.L., McRea, J., Barber, J.H., McLaughlin, M.W., Chin, J.L. 1994. Gray whale and Pacific walrus benthic feeding grounds and sea floor interaction in the Chukchi Sea. U.S. Geological Survey.
(2) Nelson, H.C. and Johnson, K.R. 1987. Whales and walruses as tillers of the sea floor. Scientific American 256: 112-118.
(3) Oliver, J.S. and Slattery, P.N. 1985. Destruction and opportunity on the sea floor: effects of gray whale feeding. Ecology 66(6): 1965-1975.
(4) Roman. J. and McCarthy, J. J., 2010. The Whale Pump: Marine Mammals Enhance Primary Productivity in a Coastal Basin. PLoS ONE 5(10).
(5) Davis, D. 1996. Humpback and Right whale migration update.
(6) Daley, B. 2006. The scent of a whale. The Boston Globe. http://www.boston.com/news/globe
(7) Roman. J. and McCarthy, J. J., 2010. The Whale Pump: Marine Mammals Enhance Primary Productivity in a Coastal Basin. PLoS ONE 5(10).
(8) Lavery, T. et al., 2010. Iron defecation by sperm whales stimulates carbon export in the Southern Ocean. Proceedings of Royal Society B 277:3527-3531.
(9) Whitehead, H., 2002. Estimates of the current global population size and historical trajectory for sperm whales. Marine Ecology Progress Series 2002:295-304.
(10) Lavery, T. et al., 2010. Iron defecation by sperm whales stimulates carbon export in the Southern Ocean. Proceedings of Royal Society B 277:3527-3531.
(11) Pershing, A., et al., 2010. The Impact of Whaling on the Ocean Carbon Cycle: Why Bigger was Better. PLoS ONE 5(8)