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Les traverses insoutenables de la SNCF

Mise à jour du 23 avril 2018 : l’ANSES publie un communiqué restreignant l’usage des produits à base de créosote [1] (pdf)

 

Les traverses sous rail sont les garantes de la sécurité ferroviaire. Elles sont imprégnées de créosote depuis la décennie 1880-1890. La créosote protège les traverses en bois de l’attaque des champignons, des insectes, des bactéries et de l’humidité.

La créosote est un produit biocide dérivé des huiles de charbon. Elle contient des hydrocarbures cancérogènes. Le plus dangereux est le benzopyrène. Les effets les plus connus de l’exposition prolongée aux odeurs et aux vapeurs de créosote sont l’irritation de la peau et des yeux, les vertiges, les nausées, les migraines, les dépressions et les insomnies.

La SNCF exploite sur son réseau plus de 40 millions de traverses en bois (cf. encadré 2).

La créosote est à la SNCF ce que le glyphosate est aux agriculteurs : indispensable, irremplaçable et bon marché.

Malgré les preuves qui s’accumulaient déjà sur la toxicité et l’écotoxicité de la créosote et le classement en déchets dangereux des traverses créosotées en fin d’exploitation, la SNCF répondait à Robin des Bois en octobre 2006 « qu’aucune technique constituant une alternative n’a encore pu être mise au point ».

En 2018, la SNCF en est toujours au point mort. Elle n’a, dit-elle, rien trouvé sur le marché qui puisse remplacer la créosote.

Face à cette impasse, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) s’apprêterait à renouveler l’Autorisation de Mise sur le Marché des produits créosotés pour les seuls besoins de la SNCF. Si elle est confirmée, cette prolongation d’utilisation qui s’apparente à une dérogation se doit d’être strictement limitée à 3 ans.

La réglementation sur la réutilisation des traverses usagées sorties des voies se doit elle aussi d’être sans délai modifiée. Quand elles ne peuvent plus compte-tenu de leurs dégradations être utilisées sous les rails des voies même faiblement circulées, les traverses usagées retirées des voies doivent faire l’objet d’une valorisation énergétique dans des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement. Robin des Bois réclame depuis 15 ans l’abolition de l’arrêté du 2 juin 2003 [2] qui, entre autres absurdités, autorise le réemploi des traverses dans les jardins privés alors qu’il l’interdit bien dans les jardins publics.

La dispersion de ces déchets dangereux dans le secteur agricole, le secteur fluvial et maritime, dans les aménagements paysagers et immobiliers est un scandale sanitaire et environnemental (cf. encadré 1).

La SNCF et ses sous-traitants ne sont pas les seuls à contribuer à cette dispersion. Des traverses créosotées retirées des voies sont importées en provenance de Belgique et d’autres pays européens. D’autres détenteurs-producteurs sont impliqués comme les emprises portuaires et les grands sites industriels desservis par des embranchements ferroviaires.

 

Encadré 1
Lundi 9 avril 2018, il y avait sur Leboncoin.fr 36 annonces de vente de traverses créosotées retirées des voies, 33 annonces de particuliers et 3 annonces de professionnels. Prix allant de 1 € à 50 € l’unité. Les particuliers proposent des offres allant d’une traverse à 170 traverses, les professionnels ont une offre illimitée. Aucune information n’est disponible sur la qualité de déchet dangereux des traverses créosotées et sur les précautions à prendre pour l’utilisation et l’élimination en fin de vie.
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Encadré 2
En 2004 et 2005, 640.000 et 570.000 traverses en bois ont été retirées des voies et remplacées par des neuves. Depuis, le taux de renouvellement des traverses en bois est en baisse. Cette tendance est un mauvais signe. Elle témoigne du délaissement progressif du réseau dit secondaire. Cette régression dans la maintenance et le renouvellement des traverses en bois conduit à des ralentissements, des fermetures provisoires ou définitives d’infrastructures et impose, quand l’état de la voie est arrivé à un seuil critique, des investissements très importants et surdimensionnés par rapport à la fréquentation et la rentabilité des lignes.
Contrairement aux idées reçues, les traverses en béton dont la durée de vie s’avère moins longue que prévue ne peuvent pas remplacer les traverses en bois en tous lieux. D’une durée de vie moyenne de 30 à 40 ans, les traverses en bois sont appréciées sur les lignes dites secondaires et les voies de service pour leur capacité à absorber les chocs, à réduire les bruits de roulement et à supporter les contraintes de poids dans les courbes.