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Nous sommes tous des marins du tiers-monde

L’organisation mondiale du commerce maritime fait ses ravages en France et met en danger l’environnement marin (Junior M) et la sécurité maritime (Kifangondo). Deux affaires qui simultanément mettent en jeu des navires-poubelles et démontrent l’incapacité de la France à se protéger des effets pervers d’un commerce maritime mondial gangrené par les armateurs véreux, les pavillons de complaisance, les navires vétustes et la course à la rentabilité.

Le Kifangondo, 144 m de long, construit en 1979, le doyen des navires abandonnés, “l’épave flottante”, “le navire poubelle”, le bateau ventouse et insalubre tel que décrit par les Affaires Maritimes et la presse était immobilisé au Havre depuis janvier 1994. Battant pavillon angolais, le Kifangondo est victime d’un incendie en Afrique en hiver 1992. Après un an de désarmement dans le port de Luanda, il remonte par ses propres moyens jusqu’à Rotterdam où il doit subir un carénage et une refonte de la motorisation. Une avarie de barre l’oblige à s’arrêter à Vigo. Au large de la baie de Seine, il est ensuite victime d’un black-out total (perte d’énergie) et remorqué vers le Havre. Après huit enchères infructueuses, il est acheté 405.000 francs par un armateur ferrailleur grec et reprend du service en décembre 1999, comme si de rien n’était, avec la bénédiction du Ministère des Transports et après une toilette de 15 jours sur le dock flottant du Havre. A Dunkerque, il charge actuellement sous le nom de Tango D, 13.000 tonnes de sucre à destination d’un port non-identifié de la Méditerranée. Le Tango D a été re-immatriculé à Malte, un État spécialement libéral en matière de pavillon de complaisance. Des certificats de navigabilité ont été aussi délivrés par le bureau polonais de Veritas.

En route pour le Maroc et en provenance de Saint-Petersbourg, le Junior M battant pavillon égyptien est immobilisé à Brest depuis octobre 1999 suite à une voie d’eau. L’avarie peut avoir été provoquée par la défaillance d’une soudure ou l’arrachement d’une tôle rouillée. Selon son capitaine, le Junior M aurait été victime d’une collision avec un conteneur tombé à la mer ou une bille de bois. Aujourd’hui déserté par son équipage et son capitaine, abandonné par l’armateur qui dans une premier temps devait envoyer un deuxième navire pour effectuer un transbordement, le Junior M et sa cargaison sont aujourd’hui placés sous la responsabilité des autorités françaises. Grâce à l’aval du Ministère de l’Environnement le projet est aujourd’hui d’immerger au large de Brest la cargaison -7.000 tonnes d’engrais (nitrate d’ammonium)- répartie dans les 3 cales. Responsable de la prolifération des planctons et algues toxiques, les nitrates et l’ammonium font justement l’objet d’une surveillance renforcée dans le cadre de la Convention internationale Ospar qui réglemente les rejets telluriques et les immersions dans l’Océan Atlantique. A ce jour, près de 2000 tonnes ont déjà été jetées en mer en provenance des cales envahies par l’eau de mer.

Robin des Bois demande au Ministère de l’Environnement de retirer l’autorisation d’immersion du nitrate d’ammonium au large de la Bretagne. De plus, il ne rentre pas dans les compétences de la Marine Nationale d’être “prestataire de services” d’une opération aussi douteuse.

Robin des Bois demande la suspension des opérations de chargement du Tango D (ex-Kifangondo) et son entrée immédiate sur les docks flottants de Dunkerque. Il serait criminel de laisser repartir cette pustule de ferrailles, par ses propres moyens, en Méditerranée. Le Tango D et sa vingtaine de membres d’équipage ne peut en l’état affronter les tempêtes d’hiver du Golfe de Gascogne. Les Affaires Maritimes doivent se souvenir, par exemple, qu’avant de faire naufrage dans le détroit de Bonifacio en septembre 1996, le Fénès avait été retenu pendant plusieurs jours à Port-la-Nouvelle et finalement libéré, malgré les déficiences techniques constatées.