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Sortie de route

La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables telle qu’elle est soumise au vote cet après-midi à l’Assemblée nationale est plus qu’un excès de vitesse, c’est une conduite en état d’ivresse énergétique, sans radar, sans flash et sans retrait. Elle simplifie le code de conduite en roulant sur la biodiversité. Ceux qui crient au casse-cou sont traités d’irresponsables. Et ce n’est qu’un début. Le gouvernement appuie aussi sur le champignon nucléaire. Le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes va être, dans les semaines qui viennent, examiné en procédure accélérée par le Sénat et l’Assemblée nationale.

Le projet initial de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables de septembre 2022 proposait des mesures d’urgence temporaires. Le projet final de janvier 2023 propose des mesures d’urgence sans limite de temps.
La loi d’accélération embarque dans son char d’assaut “les projets industriels nécessaires à la transition énergétique”, une expression valise à tiroirs multiples et à compartiments cachés qui inclut nommément les installations de traitement de déchets et peut masquer des exploitations géologiques de lithium.
Mme Pannier-Runacher, ministre de l’Accélération, “fait le pari de remettre les collectivités dans le siège conducteur”. A leurs risques et périls. Les maires définiront sous la baguette d’un garde du corps préfectoral des zones d’accélération où les démarches administratives et de porter à connaissance du public seront réduites en substance et en temps. Elles échapperont à la vigilance de beaucoup de riverains.
Le tout-puissant référent préfectoral aura une mission de facilitateur de projets. Pour ce faire, il aura aussi la main sur les services de l’Etat chargés d’instruire les dossiers.
Les projets éoliens, solaires, géothermiques, de méthanisation, de valorisation de la biomasse, de barrages hydroélectriques, d’énergie marémotrice ou houlomotrice et de production d’hydrogène renouvelable ou bas carbone bénéficieront en tant que de besoin du laissez-passer de “Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur”.

Morceaux choisis du projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (une analyse critique sera réalisée quand elle sera gravée dans le marbre du Journal Officiel) :
– Pour les ouvrages de raccordement, des dérogations pourront être délivrées sans avoir préalablement défini l’ensemble des mesures dont la mise en œuvre est nécessaire pour compenser les atteintes prévues ou prévisibles à des espèces protégées et à leurs habitats.
– La construction de postes électriques dans les espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et les milieux identifiés comme nécessaires au maintien des équilibres biologiques peut être autorisée sur des sites dont la liste est fixée par décret.
– Des centrales solaires pourront être installées sur le foncier du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres et dans des communes soumises à la loi montagne.
– Des centrales solaires pourront être construites sur des carrières en fin d’exploitation au détriment de la renaturation exigée par un arrêté préfectoral antérieur et la couverture de friches industrielles non dépolluées par des panneaux photovoltaïques va être généralisée et encouragée.
– Dans les zones soumises à un plan de prévention des risques naturels prévisibles d’inondation, des centrales solaires pourront être implantées dès lors qu’il n’en résulte pas une aggravation des risques, y compris dans les zones rouges.
– Les forêts inférieures à 25 hectares pourront être défrichées sans évaluation environnementale au profit de centrales solaires.
– Le passage de lignes électriques sera autorisé dans la bande littorale des 100 mètres si le projet n’est pas de nature à porter une atteinte excessive aux sites et paysages remarquables.
– Le passage de lignes électriques dans des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques sera autorisé lorsque “la localisation répond à une nécessité technique impérative”.
– Au détriment du bien-être animal, des parcs solaires pourront être installés au-dessus des troupeaux.
– Les îles artificielles, les installations et les ouvrages flottants destinés à la production d’énergies renouvelables seront contrôlés par des organismes agréés et échapperont à la surveillance directe des services techniques de l’Etat.

La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables fait l’objet d’une orchestration remarquable. Elle est couplée avec le règlement (UE 2022/2577) du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables et avec l’avis du Conseil d’Etat en date du 9 décembre 2022. “Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées [par le pétitionnaire] présentent des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation d’espèces protégées.”

D’ores et déjà, un arrêté en cours de signature autorise le débridage acoustique des éoliennes courant janvier 2023. Rien n’empêche qu’il soit renouvelé et transposé à d’autres activités.