Entre janvier 2004 et décembre 2007, Robin des Bois grace à la compilation des articles de la presse régionale a relevé 108 épandages accidentels d’hydrocarbures dans le bassin Rhône-Mediterranée. Le cumul des déversements supérieurs à 100 l, soit 28 sur 108, est de 301 t. Ensemble, les rejets annuels de Shell Pétrochimie Méditerranée à Berre-l’Etang, Total à Châteauneuf-les-Martigues, BP à Lavéra, Esso à Fos-sur-Mer et Shell Pétrochimie à Berre-l’Etang sont de l’ordre de 71 t (année 2003). Les déversements accidentels dans le bassin du Rhône sont plus importants que les rejets opérationnels de l’industrie pétrochimique de l’Etang de Berre. La cartographie et l’inventaire ne prétendent pas à l’exhaustivité. Ils reflètent cependant la négligence commune et le manque de connaissances sur les impacts environnementaux et sanitaires de ces pollutions de routine. L’absence de mémorisation des pollutions dispense les pouvoirs publics, les collectivités, les services de police et de gestion de l’eau d’entreprendre les indispensables mesures de prévention, d’information, de pédagogie et si nécessaire de répression.
En mer, la marée noire relève de la criminalité. En eau douce, elle relève de la banalité. En mer une irisation de plusieurs kilomètres fait l’actualité, en rivière elle fait un flop. Elle est biodégradable. En novembre 2007, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné à 750.000 € d’amende le chimiquier Ozden-S pour un rejet d’hydrocarbures au large de la Corse s’étendant sur 10 km. Une pollution analogue dans les eaux intérieures est au mieux et à titre exceptionnel sanctionnée par une amende de 15.000 € (cf. 11 – 18.12.04, Port-la-Nouvelle). Les déversements accidentels d’hydrocarbures dans les eaux intérieures ont des causes multiples : erreurs de remplissage de cuves domestiques ou industrielles, vols et vandalisme, dégazages de péniches, accidents de transports routiers, sites pollués. Les commentaires sont unanimes : « tout se rince naturellement en une journée », « quelques truites sont mal en point, il faudrait plusieurs bonnes grosses pluies pour nettoyer tout ça » ; après une nappe d’hydrocarbures de 8 km à la surface du Rhône « les conséquences environnementales sont faibles, voire nulles ». « Pas de problème, ce n’était que du gas oil propre». Quand par extraordinaire, la source de pollution est localisée, les bonnes volontés déploient des bottes de paille dont personne ne sait au final vers quelle filière d’élimination de déchets elles sont ensuite orientées.
Seuls quelques organismes s’intéressent en France aux pollutions des eaux intérieures : le CEDRE (Centre de Documentation de Recherche et d’Expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux, le BARPI (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industrielles) et le CNSPE (Conseil National Supérieur de la Pêche et de l’Environnement). Faute de centralisation des diverses informations et d’interprétation statistique, les origines, les causes, les conséquences sanitaires et environnementales des pollutions accidentelles des eaux intérieures sont mal identifiées, méconnues et sous-estimées. Il n’y a aucun retour d’expérience et la réduction à la source des pollutions accidentelles des eaux douces n’ést pas jusqu’alors une priorité. Il a été cependant acté dans la feuille de route Grenelle « que les pollutions accidentelles des eaux superficielles devront être mieux répertoriées et mieux analysées ». (cf. proposition Robin des Bois sur la lutte contre les pollutions accidentelles des eaux superficielles intérieures)
Le bassin Rhône-Méditerranée couvre 8 régions et 28 départements français. Le bassin français du Rhône est aussi dépendant des activités potentiellement polluantes dans le lac Léman sous l’influence de la France et de la Suisse et de 164 km du cours supérieur du Rhône dans la partie hélvétique du massif alpin. Le cloisonnement aggrave le manque de coordination dans le suivi des pollutions aquatiques. Le continuum fluvial s’accommode mal du discontinuum administratif.
Le Rhône et ses affluents sont l’habitat de 72 espèces de poissons dont quelques unes sont menacées de disparition, tel l’apron du Rhône. Parmi les poissons migrateurs, l’esturgeon a disparu et les anguilles sont en grande difficulté à cause des pollutions et des obstacles physiques. L’anguille naguère considérée comme un poisson tous terrains est désormais menacée y compris en Méditerranée.
Le littoral est caractérisé par une constellation d’étang littoraux dont certains comme l’étang de Vaccarès sont alimentés par le delta du Rhône ou de l’Aude aux Bouches-du-Rhône par les petits fleuves côtiers. Les pollutions de l’amont du Rhône et des fleuves côtiers sont susceptibles d’impacter l’état sanitaire des produits de la pêche, de l’aquaculture et de la conchyliculture pratiquées dans les étangs, bassins et cordons littoraux. La propagation des pollutions est accélérée par le transfert des sédiments pendant les chasses de barrages, les inondations et les opérations de dragage. L’objectif de Robin des Bois est de faire comprendre qu’une pollution dans les Vosges impacte le delta du Rhône et la qualité des eaux dans le golfe du Lion. Il faut introduire une solidarité de gestion technique, écologique et financière des grands bassins fluviaux.
Les hydrocarbures se définissent dans le cadre de cet inventaire comme des carburants, lubrifiants ou solvants pétroliers ou comme des produits usagés assimilables à des déchets tels l’huile de vidange. Les irisations, la couleur et dans la plupart des cas les odeurs font qu’en première approche les témoins et les acteurs qualifient les polluants d’hydrocarbures. Ceux-ci peuvent masquer des contaminants plus persistants comme des huiles de transformateurs électriques ou des huiles de coupe industrielles. |
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