Commentaires de Robin des Bois du 15 février 2022 au projet de décret modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et d’arrêté modifiant l’arrêté ministériel du 6 juillet 2006 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique n° 4702
En 2004, l’Inspection de l’Agriculture et l’Inspection de l’Environnement de même que le Conseil Supérieur des Installations Classées, devenu le Conseil Supérieur pour la Prévention des Risques Technologiques, préconisaient de soumettre les stockages de nitrate d’ammonium haut dosage au régime de l’autorisation à partir de 20 tonnes. L’autorisation en l’état de la réglementation en 2004 entraînait une enquête publique et une information complète des riverains et des collectivités. Ce rapport arrivait un an après l’incendie de Saint-Romain-en-Jarez où 2 à 3 tonnes de nitrate d’ammonium avaient fait 26 blessés dont plusieurs parmi les pompiers.
Aujourd’hui, les projets soumis à consultation soumettent au simple régime de la déclaration les installations stockant plus de 150 tonnes d’engrais à base de nitrate d’ammonium haut dosage ou susceptibles de décomposition auto-entretenue et d’explosion. Robin des Bois estime que le seuil proposé reste trop élevé et que toutes les installations stockant de manière permanente ou saisonnière plus de 10 tonnes devraient être soumises au régime de la déclaration et qu’au-delà de 40 à 50 tonnes, les installations devraient être soumises à autorisation.
Entre mars 2021 et janvier 2022, Robin des Bois a relevé une vingtaine d’incendies dans des exploitations agricoles ou des commerces de produits agricoles. Ces incendies dégagent des fumées nocives, des vapeurs d’acide nitrique et mettent les pompiers quand ils arrivent sur les lieux du sinistre dans un état d’incertitude peu propice à la maîtrise des risques qu’ils encourent et à la maîtrise de l’incendie. Ces incendies conduisent les maires et parfois les préfets à évacuer provisoirement les populations riveraines ou à diffuser autant que faire se peut des consignes de confinement, à suspendre provisoirement le pâturage, la consommation des produits agricoles et potagers ainsi que de l’eau des puits et de l’eau courante.
Les dangers et les risques des engrais à base de nitrate d’ammonium sont permanents sur le territoire et il est trompeur ou maladroit de se référer aux seules catastrophes comme celle de Beyrouth en 2020 pour définir leurs modalités d’entreposage et de manipulation. Les exemples d’accidents mettant en jeu des quantités de seulement quelques tonnes mais entraînant une mise en danger de la vie humaine et de l’environnement sont nombreux : cf. Saint-Romain-en-Jarez – 2 à 3 tonnes -, l’accidentologie citée dans les travaux de la mission nitrate d’ammonium 2021, la base de données ARIA et la compilation de la presse locale et régionale.
D’autre part, les opérations de contrôle menées par les inspecteurs des DREAL en 2021 dans des installations soumises à déclaration de par l’arrêté ministériel du 6 juillet 2006 montrent que les contrôles réalisés par des tiers sont très peu nombreux et que 15 ans après de nombreuses non-conformités sont relevées. Nous pensons en particulier à la mitoyenneté dans les hangars agricoles de stocks d’engrais à base de nitrate d’ammonium et d’autres matières et matériels combustibles et/ou inflammables et toxiques comme des hydrocarbures, des pneus, des produits phytosanitaires. Ce cumul de matières dangereuses aggrave de toute évidence la toxicité des incendies autant pour les exploitants que pour les services de secours, les riverains et le bétail. Sans compter la dispersion de fibres d’amiante quand les toitures sont en fibrociment, ce qui est encore courant.
En conséquence, quels que soient les seuils retenus pour le régime de la déclaration (qui reste un formulaire Cerfa pas très contraignant), les délais proposés et les aides pour que les exploitants se mettent en conformité, il importe que les services de l’Etat fassent des inspections systématiques afin de vérifier l’application de la réglementation et des prescriptions générales de sécurité. En tout état de cause, les SDIS devraient pouvoir disposer au plus tard à leur arrivée sur les lieux du sinistre de l’état des stocks de nitrate d’ammonium et de leurs localisations.
Les textes soumis à consultation ne sont qu’une première étape ; les seuils pour les installations soumises actuellement aux régimes autorisation doivent aussi être abaissés.
Merci pour votre écoute.
Robin des Bois
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