Echouement en Corse

14 oct. 2019

Mis à jour le 16 octobre 2019

West-Trade Logistic GmbH, l’armateur du Rhodanus, est allemand. A cause de la libéralisation du transport maritime, le cargo est immatriculé sous le pavillon de complaisance d’Antigua & Barbuda. Grâce à cette délocalisation, West-Trade Logistic GmbH exploite un équipage qui ne bénéficie pas des normes sociales européennes. Pour preuve, les déficiences relevées par les inspecteurs de sécurité maritime à Séville en janvier 2018 (fatigue de l’équipage), à Bizerte en mars 2017 (conditions de travail) ainsi que, régulièrement, des manquements relatifs à la convention internationale du travail maritime (MLC, Maritime Labour Convention).

Les Bouches de Bonifacio séparent la Corse et la Sardaigne. Alors que le Rhodanus était dans des parages connus depuis des siècles pour être dangereux, l’équipage était au mieux en état de somnolence, pour ne pas dire de sommeil.

La réserve naturelle des Bouches de Bonifacio constitue la partie française du parc marin international des Bouches de Bonifacio géré conjointement par la France et l’Italie. Le site abrite des espèces remarquables de faune et de flore (herbiers de posidonies, patelle géante, grande nacre, gorgone, mérou, puffin cendré, cormoran huppé…), c’est aussi un lieu de passage pour le grand dauphin, le rorqual commun ou le requin-pèlerin. La France et l’Italie interdisent le transport de matières dangereuses aux navires battant pavillon italien ou français. Cette interdiction ne s’applique pas aux pavillons tiers. Depuis 2011, le parc marin est classé par l’Organisation Maritime Internationale comme Zone Maritime Particulièrement Vulnérable où les États riverains peuvent réglementer le trafic maritime de tous les navires quel que soit leur pavillon.

Déjà en 1996, le Fenes s’était échoué sur les îles Lavezzi, comprises dans le périmètre de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. La cargaison de blé dont le pourrissement menaçait les herbiers de posidonies avait été en grande partie retirée (1) l’épave avait été enlevée et envoyée pour démolition en Grèce.

Il est trop tôt pour lever tout risque de pollution consécutive à l’échouage à pleine vitesse du Rhodanus sur un substrat rocheux. L’allègement du navire est considéré comme un préalable à la tentative de remise à flot. Cette opération délicate dans un environnement aussi fragile et dangereux en cas d’aggravation des conditions météorologiques prendra plusieurs jours ou semaines. Le Rhodanus contient encore 150 t de carburant*.

Le défaut de veille active à bord des navires marchands est malheureusement courant en Méditerranée. C’est à cause de cette déficience que la collision d’un car ferry tunisien et d’un porte-conteneurs gréco-chypriote au nord du Cap Corse (2), en contiguïté avec le parc naturel marin du cap Corse et de l’Agriate, a provoqué une marée noire perlée sur les côtes françaises entre Saint-Tropez (Var) et Collioure (Pyrénées-Orientales).

Une mesure de précaution utile serait d’imposer l’assistance d’un pilote pendant le passage des Bouches de Bonifacio. Environ 3000 navires l’empruntent chaque année.

Rhodanus (ex-Hansa Kampen). OMI 9173173. Construit en 1998 à Decin (République Tchèque) par CSPL Yard. Longueur 89,30 m, port en lourd 2953 t. Propriétaire West-Trade Logistic GmbH (Allemagne). Détenu en 2010 à Naples (Italie) en particulier pour une déficience opérationnelle relative à la surveillance du voyage (monitoring of voyage or passage plan).

 

* Mise à jour du 16 octobre 2019 : Les citernes du Rhodanus ont une capacité de 230 t de carburant; selon la préfecture maritime, elles en contiendraient encore 38 tonnes.

 

(1) “Deux naufrages annoncés“, La Flèche n°28, page 17 (pdf – 4,4 Mo)
Communiqué sur l’échouement du Gunay 2 qui cite le cas du Fenes
(2) Charlie Hebdo n°1412 du 14 août 2019 “Ces gros bateaux qui coulent dans l’eau” de Jacky Bonnemains, porte-parole de Robin des Bois (pdf – 2,6 Mo)

 

 

 

 

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