Gaumont cinéma, une société sans complexe

12 mars 1998

La société Gaumont, dépositaire d’un permis de construire litigieux accordé par les mairies d’Harfleur et de Montivilliers dans la banlieue du Havre entend construire un complexe multisalles d’une capacité de 2300 places sur une parcelle de 2 hectares attenant à une zone commerciale.

En bordure d’une rivière, la Lézarde, qui se jette dans le canal de Tancarville et l’embouchure de la Seine, ces parcelles naturellement inondables et considérées comme inconstructibles par les Plans d’Occupation des Sols ont été exhaussées par des remblais divers à partir de 1988. Parmi ces remblais sont aujourd’hui clairement identifiés par les riverains, les mouvements de protection de l’environnement et la sous-préfecture du Havre, plusieurs milliers de tonnes de mâchefers et un cordon de boues toxiques extraites des fonds de la Lézarde.

Les mâchefers sont des sous-produits de l’incinération des déchets industriels spéciaux ou des ordures ménagères. En l’occurrence, ils proviennent de l’incinérateur d’ordures ménagères et assimilées du Havre. Installé en tissu urbain dense, cet incinérateur ne répond pas aux normes françaises et européennes en ce qui concerne la production d’effluents atmosphériques et ne sera au mieux mis en conformité qu’en l’an 2001. C’est seulement depuis 2 ans que l’incinérateur est équipé d’un dispositif de séparation des cendres et des mâchefers. Il est donc malheureusement évident que les sous-produits d’incinération ayant servi à remblayer sur une hauteur d’environ 2 mètres les parcelles vendues à Gaumont sont des mâchefers et cendres mélangés, deux matériaux considérés comme des déchets par la nomenclature française et européenne. Ils contiennent des métaux lourds, des dioxines, des sulfates et sont justifiables d’un stockage sécuritaire dans les centres dits de classe 1 et 2.

La préfecture de la Seine Maritime a émis le 4 mars 1998 un arrêté enjoignant la société Gaumont de procéder à des investigations et à des analyses visant à caractériser les matériaux enfouis, et de présenter sous 10 jours un plan d’aménagement visant à restaurer les écoulements naturels et la zone humide riveraine de la Lézarde.

La société Antéa, filiale du BRGM, a entrepris les premiers prélèvements de solides et pose des piézomètres pour évaluer les effets du dépôt sur les eaux souterraines. Mais simultanément, les travaux continuent. Fidèle à sa grande souplesse vis-à-vis des exigences des constructeurs, Antéa n’a pas demandé l’arrêt des travaux pendant la phase d’investigations. Antéa prétend que les fouilles, la localisation des gisements de déchets et la maîtrise des risques n’empêchent pas les travaux de se poursuivre. Elle avait déjà adopté cette politique laxiste dans le cadre de la décontamination et de la construction du Stade de France à Saint Denis.

En conséquence Gaumont et la société Buffalo Grill co-titulaire des permis de construire ont achevé leurs travaux de nivellement et s’apprêtent la semaine prochaine à couler une dalle de béton sur l’ensemble du terrain alors que l’arrêté préfectoral dispose “qu’à défaut de caractérisation de ces terres prouvant l’absence d’écotoxicité et de dangerosité, celles-ci seront considérées comme des déchets”.

Robin des Bois, les riverains de la Lézarde et le groupe des Verts de Haute Normandie réitèrent leur opposition à la poursuite des travaux préliminaires et dénoncent la fuite en avant des sociétés Gaumont et Buffalo Grill et le remaniement du terrain.

Des dispositions seront prises par les écologistes dans le courant de la semaine prochaine si le chantier venait à continuer.

 

 

 

 

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