Le capitalisme de l’extinction

12 mars 2013

Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore sauvages menacées d’extinction
CITES 2013 – Bangkok, 18h00 (heure locale)
Communiqué n°7

Tirer des profits des extinctions d’espèces, c’est effectivement une filière d’avenir que la CITES – Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction – s’attache à développer.

Dans la perspective d’une réouverture du commerce international de l’ivoire, le secrétariat de la CITES a lancé en août 2011 un appel d’offres pour la réalisation d’une étude « indépendante ». L’appel d’offres a été remporté par des consultants spécialisés d’Afrique australe. Parmi les 5 auteurs, on peut noter la présence de Rowan Martin, directeur des recherches sur la faune sauvage au Zimbabwe et Debbie A. Peake, l’un des meilleurs taxidermistes du Botswana. La recommandation majeure de l’étude est de fonder le CISO (Central Ivory Selling Organisation), un office unique de la vente d’ivoire. Le CISO fonctionnerait sur le modèle du Diamond Trading Company (DTC) mis au point il y a plus de 100 ans par la Compagnie De Beers : un siège unique, un directoire nommé par les principaux Etats producteurs, des ventes régulières aux transformateurs privés ou gouvernementaux reconnus et attitrés, des circuits courts réduisant les risques de mélange avec de l’ivoire illégal. Les ventes inter-africaines seraient interdites. Le rapport estime qu’il serait possible de « récolter » 8 tonnes d’ivoire par an par unité de 10.000 éléphants soumis à la chasse, à l’abattage volontaire et à la mort naturelle. Les auteurs soulignent que cette exploitation est envisageable à la condition qu’il n’y ait pas de désordres civils ou de conflits armés dans les pays producteurs. Dans le rapport, l’ivoire est un minerai détaché de toute considération biologique, éthique et culturelle.

Une variante corne de rhinocéros vient opportunément de surgir une semaine avant la réunion de Bangkok dans un prestigieux journal scientifique, Science. Quatre éminents biologistes parmi lesquels on retrouve le même Rowan Martin, un directeur de recherches du CNRS membre du Conseil Scientifique du WWF et deux autres pointures d’Afrique du Sud et d’Australie, elles aussi cautions scientifiques du WWF, se penchent sur le minerai de corne de rhinocéros. Le cours de 65.000$/kg en 2012 est évoqué. En deux temps trois mouvements dignes du Financial Times, ils bâtissent un duplicata du CISO, le CSO (Central Selling Organisation) chargé de commercialiser dans le monde entier la corne de rhinocéros. Comme le CISO qui serait financé par une taxe ivoire, le CSO serait financé par une taxe corne. Le CSO est une copie conforme du CISO. On y retrouve la devise de la CITES, de l’Afrique australe, de Traffic et du World Wildlife Fund (WWF) selon laquelle « il n’y a pas de preuves concluantes et concrètes que les ventes légales d’ivoire aient augmenté le braconnage des éléphants en Afrique ». Il apparaît donc possible aux auteurs d’organiser des ventes internationales de cornes de rhinocéros. En même temps ils estiment que la réussite du cartel du rhinocéros dépend de sa capacité et de celle des pays producteurs à éliminer la contrebande.

Depuis la réouverture partielle du commerce international de l’ivoire entre l’Afrique australe et le Japon et surtout la Chine, le cours de l’ivoire s’est envolé en même temps que le nombre des éléphants panafricains et des gardiens de la faune tués.

Les niveaux de braconnage des éléphants et par contagion des rhinocéros atteignent des niveaux sans précédent. Le feu s’est propagé dans tous les pays de l’aire de répartition jusqu’au Mali où depuis 3 ans les éléphants de Gourma sont eux aussi victimes des troubles politiques.

En face des risques d’extinction des éléphants africains, la CITES réunie à Bangkok décide de poursuivre la réflexion sur les mécanismes conduisant éventuellement à la grande reprise des affaires. Le Business as usual au moment où la CITES devrait, dans cette situation d’urgence, mobiliser tous ses moyens pour lutter contre la contrebande et suspendre totalement le commerce international légal.

 

 

 

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