69ème CBI – Communiqué n°1
La 69ème réunion plénière de la Commission Baleinière Internationale (CBI) se tient à Lima, Pérou, du 23 au 27 septembre 2024.
Un projet de résolution sur “la sécurité alimentaire” est soumis à l’approbation des 88 pays membres de la CBI par la République de Guinée avec le soutien du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, de la République du Congo, de Saint-Kitts-et-Nevis et du Cambodge. Ce projet “réaffirme son soutien à l’utilisation durable des ressources marines vivantes, y compris les baleines”.
Il est directement inspiré par la propagande japonaise. Mélangeant dans une langue de bois mort les besoins nutritionnels des populations humaines, le développement durable et la croissance économique, la résolution ajoute dans sa recette l’inévitable attachement à une prétendue identité culturelle.
Baleines et baleiniers, Paul Budker,
Edition Horizons de France, 1957
Or, les populations africaines riveraines de l’Atlantique n’ont pas d’affinité avec la viande de baleine. La principale exploitation des baleines en Afrique de l’Ouest a été menée de 1948 à 1965 par des mercenaires norvégiens du harpon explosif et des intérêts français et britanniques regroupés au sein de la SOciété des PEcheries COloniales à la BAleine (SOPECOBA). Cinq bateaux chasseurs avec des équipages et harponneurs norvégiens ratissaient le golfe de Guinée et ciblaient les baleines à bosse, les rorquals boréaux, les rorquals communs, les baleines bleues, et aussi les cachalots. La station baleinière était implantée au Cap Lopez dans le delta du fleuve Ogooué au nord de Port-Gentil, Gabon. La main-d’œuvre pour le dépeçage était essentiellement norvégienne, une centaine d’Africains intérimaires s’occupaient du nettoyage et du ramassage des déchets. En 1950, l’exportation vers la France, l’Angleterre et la Norvège d’huile de baleine et des autres sous-produits à partir de l’Afrique-Equatoriale française arrivait au 3ème rang économique après l’exportation du bois et du coton. La farine de viande de baleine était exportée en France pour alimenter les cheptels agricoles. La conserverie française Amieux avait construit un atelier pilote dans la station baleinière et produit un million de boîtes de conserve de viande de baleine mais selon la “Chronique de l’Union française sur les Industries de la pêche en Afrique noire française” publiée dans L’Economie le 22 mars 1951, “il n’apparaît pas que les autochtones aient particulièrement apprécié cette nourriture”.
L’industrie de la chasse à la baleine a aujourd’hui disparu en Afrique et les baleines sont protégées par les législations nationales. Les bulletins trimestriels “A la Trace”* publiés par Robin des Bois depuis 2013 montrent que la viande et la graisse de baleine font l’objet d’une récupération opportuniste au Sénégal, au Gabon et à Madagascar après des échouages. La viande est découpée et distribuée malgré les mises en garde des autorités locales. Le projet de résolution de la Guinée prétend à tort que les populations de baleines sont “saines”. En fait, les baleines au sommet des chaînes alimentaires marines accumulent dans leur chair et leur graisse les polluants persistants issus des activités humaines. Elles sont soumises aux empoisonnements insidieux des PCB, PFAS, composés bromés, résidus de pesticides, hydrocarbures cancérogènes et rejets radioactifs. Elles sont parfois porteuses d’agents pathogènes et la consommation de leur viande n’est pas exempte de risques sanitaires pour les populations humaines.
En fait, pour assurer la sécurité alimentaire de leurs 100 millions d’habitants, la priorité des 7 pays africains promoteurs de cette résolution devrait être de lutter contre le pillage de leurs ressources halieutiques par les flottes industrielles asiatiques et européennes.
Par contre, la proposition de création d’un sanctuaire dans l’Atlantique Sud soumise par l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay est positive. Ce sanctuaire serait connecté au sanctuaire en Antarctique qui fête ses 30 ans cette année. Il interdirait toute chasse commerciale aux baleines dans l’océan Atlantique Sud au-dessous de l’équateur entre l’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Ouest. Le plan de gestion permettrait de mieux connaître les populations de baleines, leurs migrations, les agressions dont elles sont victimes et les moyens d’y remédier. Il permettrait également de développer les connaissances sur les contributions positives des baleines à la productivité de l’océan mondial et à la régulation du climat pendant leur vie et après leur mort.
En effet, les baleines fertilisent les océans par la production et la dissémination de nutriments qui favorisent le développement des planctons. Les baleines sont des puits à carbone. Même après leur mort, elles continuent à rendre des services aux écosystèmes. Leurs carcasses et leurs squelettes créent des oasis de biodiversité. Depuis le berceau jusqu’à la tombe, le cycle de vie d’une baleine est utile au bien commun et à l’humanité.**
Les baleines sont des animaux mythiques et vénérables et plus pèsent sur elles de fléaux dus à l’inventivité, à la voracité et à l’agitation de l’espèce humaine, plus elles forcent le respect de Robin des Bois et inspirent la solidarité. C’est pourquoi dès juin 1985 dans les actes fondateurs de l’association se sont imposées la promotion de l’huile de jojoba en substitut à l’huile de baleine et la participation à la Commission Baleinière Internationale. Robin des Bois sera présent à Lima.
* “A la Trace” – Bulletin d’information et d’analyses sur le braconnage et la contrebande disponible sur https://robindesbois.org/a-la-trace-bulletin-dinformation-et-danalyses-sur-le-braconnage-et-la-contrebande/
** – « De l’utilité des baleines », 2010, Robin des Bois (pdf)
– “Les poissons mangent des baleines”, 63ème réunion plénière de la Commission Baleinière Internationale Jersey 11 – 14 juillet 2011 (communiqué de Robin des Bois)
– Resolution on Cetaceans and Their Contributions to Ecosystem Functioning, 2016-3
– Report of the IWC-CMS Workshop on Cetacean Ecosystem Functioning, virtual 19-21 April 2021
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