Le site amiantifère de Canari se transforme en gigantesque friche industrielle. La montagne et la mer sont polluées.
C’est un géologue suisse qui a découvert le gisement d’amiante du Cap Corse en 1925. A partir de 1927, Monsieur Cuvelier, fondateur de la société Eternit exploite le filon.
De nouvelles installations sont mises en route en 1949. Au cours du dernier semestre de cette année de mise en route, la production de fibre est d’environ
1000 tonnes. Mais la production projetée, avec un travail de jour et de nuit, est de 500 tonnes par mois, l’objectif étant de couvrir 20 % des besoins français puis 50 %.
En fait, la production est allée régulièrement en augmentant au-delà des prévisions attendues :
6599 tonnes en 1952
10.988 tonnes en 1954
18.110 tonnes en 1958
29.983 tonnes en 1961
Vu l’ampleur du marché, et l’importance des réserves dans le gisement du Cap Corse, la Société minière de l’Amiante (S.M.A.) modernise ses installations en 1955, et obtient de la commune, la prolongation de son bail d’exploitation jusqu’en 2004. Mais le revenu du bailleur n’augmente pas en proportion de la production, car la S.M.A. calcule la taxe professionnelle sur la base d’un produit de qualité inférieure. Le contentieux s’étend aux revendications salariales, et aux conditions de travail. «Certains jours, la visibilité à l’intérieur de l’usine n’excède pas deux à trois mètres, tellement la poussière d’amiante est dense. Il fallait arrêter les machines, et arroser l’usine pour que les visiteurs officiels puissent y pénétrer», racontent d’anciens ouvriers, mais, «c’était le seul débouché économique pour la région et on continuait quand même» mais «c’était aussi l’enfer blanc», ajoutent-ils.
En novembre 1964, les responsables de la société mettent en avant la concurrence du Canada et de l’U.R.S.S., exigent de l’Etat français un prêt de quatre millions de francs, se déclarent incapables de résoudre le problème des stériles qui polluent et modifient le littoral sur plusieurs kilomètres.
A l’ouverture de la nouvelle usine en 1949, la gestion des sous-produits fatals était ainsi résumée par l’exploitant : «Les stériles, poussières et déchets sont collectés sur des couloirs à secousse et conduits à la mer».
Le 12 juin 1965, après une manifestation de 3000 personnes dans le cadre d’une «Marche sur Bastia», et pour parer à une imminente occupation de l’usine, la direction décide de la fermeture définitive du site, déclarant encore une fois «qu’il est hors de question de faire face à l’effort financier nécessaire à la construction d’une digue de protection en mer».
Il n’y a jamais eu de suivi médical global des 240 ouvriers, des 40 agents d’encadrement et des 30 employés administratifs qui étaient tous exposés aux poussières d’amiante. D’autant que la plupart des ouvriers d’origine italienne ont quitté le Cap Corse après la fermeture de l’usine.
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