Mardi 8 juin, 555 tortues sillonnées juvéniles ont été sauvées du trafic international par les douaniers à Koudougou, province de Boulkiemdé. Elles étaient cachées dans la soute à bagages d’un autobus reliant Bamako au Mali et Lomé au Togo. Elles étaient réparties dans des caisses en bois, en carton et dans des sacs en toile et en plastique. De faux permis CITES accompagnaient la cargaison. La CITES est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Les tortues sillonnées sont inscrites en Annexe II. Leur commerce international reste autorisé. Des permis d’exportation sont exigés. La saisie est le fruit d’une coopération entre les douanes du Mali et les douanes du Burkina Faso.
Le Mali et le Burkina Faso sont le théâtre d’opérations armées. La tragédie n’en finit pas. La savane et le désert sont parsemés d’épaves et marqués par les empreintes de la guerre. Il est probable que des tortues sillonnées adultes sautent sur des mines comme les éléphants. Dans ce paysage hostile, les tortues sillonnées, les plus grosses tortues terrestres après celles des Galapagos et des Seychelles, se protègent des éclats du monde et des fortes chaleurs dans des tanières souterraines de 10 à 15 m de long d’où elles sortent furtivement au petit matin ou en fin de journée pour se nourrir des herbes éphémères pendant la saison des pluies. Les mâles et les femelles ne font pas terrier commun. Un « bébé » pèse 50 g et une adulte jusqu’à 100 kg.
Les tortues sillonnées font l’objet d’un trafic international de haute intensité. « A la Trace », le magazine spécialisé de Robin des Bois, a repéré des saisies de Centrochelys sulcata aux Etats-Unis, au Mexique, au San Salvador, en Malaisie, en Thaïlande, en Chine, en Inde, en France, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni. Les acheteurs amateurs de mobiliers vivants dans leurs jardins et pourtours de piscines se mordent souvent les doigts d’avoir acquis un tel encombrant dont rien au moment de l’achat dans un reptile show, une animalerie ou via un site faunique internet, ne laissait présager un développement incompatible avec leur habitat de captivité. Aux Etats-Unis, l’ONG American Tortoise Rescue se désole de cette mode qui succède à celle des iguanes et essaye de la décourager. « Une tortue sillonnée adulte est remuante et cassante, elle peut déménager les meubles, vandaliser une maison et quand elle se met à creuser le jardin, il ressemble vite à un champ de mines. » Sans oublier qu’avec ses capacités naturelles d’excavation, la tortue sillonnée peut aller chez ceux d’à côté et créer de sérieux TAV (Troubles Anormaux du Voisinage).
Les 555 juvéniles saisies par les douanes burkinabées ont une valeur commerciale globale de 83.000 € (soit 150 € par spécimen). Quand les femelles et les mâles atteignent 20 cm de long dans un élevage clandestin comme il en existe au Togo, la valeur commerciale sur le marché noir est de 500 à 600 € par spécimen.
Merci aux douanes du Burkina Faso et du Mali qui, malgré des conditions de travail très dégradées, ont porté un coup dur à un trafic faunique et ont privé on ne sait quelle bande d’un revenu substantiel. Après l’ivoire kaki (vendre de l’ivoire braconné pour acheter des armes), le temps est-il venu de la tortue kaki ?
8 juin 2021, une partie de la saisie © Douanes du Burkina Faso
Une tortue sillonnée adulte. La longueur des carapaces atteint 80 cm. © Tomas Diagne
Des « bébés ». © Tomas Diagne
Un couple s’emploie à préserver les générations futures. Persécutée par les troubles civils, le braconnage, les brûlis agricoles et l’extension de l’agriculture nomade, l’espèce pan sahélienne est en voie d’extinction. Les oeufs sont appréciés par les varans et les mangoustes. © Tomas Diagne
Une tortue sillonnée adulte vient de sortir de sa tanière. © B. Corneli
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