Les baleines dans le rouge n°2

20 oct. 2022

Commission Baleinière Internationale
Portoroz – Communiqué n°2

L’écocide des baleines à l’abri des regards et des compassions et pour le plus grand profit des industriels civils et militaires a rougi l’océan mondial de 1900 à 1989 avant de s’éteindre ou presque en l’an 2000. Il y a encore des braises et des reprises de feu. Des rengaines sur la souveraineté et la suprématie alimentaire de l’humanité et sur le maintien des cultures traditionnelles sont constatées et malheureusement tolérées voire encouragées.

Les débats au sein de la Commission Baleinière Internationale en témoignent et le projet de résolution sur la “sécurité alimentaire et nutritionnelle” présenté par la Gambie, la Guinée, Antigua-et-Barbuda et le Cambodge, quatre Etats représentant l’Afrique, l’Amérique et l’Asie, en est la dernière réplique. S’appuyant sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ce projet de résolution réclame à la CBI de mettre en place un comité ad hoc chargé de déterminer comment les baleines pourraient à l’avenir contribuer à alimenter “de nombreuses populations du monde”.

Entre 1900 et 2000, près de 3 millions de baleines ont été tuées sur l’océan mondial, hémisphère nord et sud confondus (1). Et encore, ce bilan n’est pas, loin s’en faut, exhaustif. Il résulte de la compilation de toutes les archives historiques de la CBI et tient compte des révélations en 2013 sur les falsifications et omissions de la flotte baleinière russe. Mais les prises non déclarées des autres pays et le braconnage des baleiniers pirates sont par définition inconnus. 874.000 rorquals communs, 762.000 cachalots, 379.000 baleines bleues, 250.000 baleines à bosse et d’autres espèces sont montés sur l’échafaud. Jusque dans les années 1980, avec des plateaux avant et après la Première Guerre mondiale et avant et après la Seconde Guerre mondiale, la cétochimie alliée à la pétrochimie et à la carbochimie faisait tourner le monde. Avec les baleines bleues et d’autres grands cétacés, les industriels faisaient des lubrifiants, de la glycérine, de la margarine, des médicaments, des produits d’hygiène corporelle, des engrais et des coproduits entrant dans la composition des peintures et des vernis. Les baleines sur terre étaient dans tout, et presque plus dans les océans. Aucune espèce ne s’est remise de cette quasi éradication.

Archives Robin des Bois

Les baleines bleues sont moins de 10.000 sur l’océan mondial et comme toutes les espèces à fanons qui se nourrissent de plancton, elles ont aujourd’hui d’autres ennemis que les harpons. Après la ruée vers les baleines, c’est aujourd’hui la ruée vers le krill. Une baleine à bosse en consomme 3 tonnes par jour et des chalutiers armés par la Norvège, la Corée du Sud, l’Ukraine, le Chili, la Chine en capturent chaque année au large de la péninsule antarctique entre 450.000 et 620.000 tonnes. Le marché du krill, notamment de l’huile de krill pour alimenter l’aquaculture, est en pleine expansion. Du point de vue financier, il devrait atteindre le milliard de dollars d’ici 3-4 ans. Entre janvier et juin 2021, au large de la péninsule antarctique, un chalutier norvégien a capturé et noyé dans son filet à krill 3 baleines à bosse juvéniles et au moins une nouvelle capture a eu lieu en janvier 2022.
Cette menace moderne n’est pas évoquée à Portoroz. Elle est pourtant essentielle pour les baleines mysticètes qui pourraient se voir infliger une nouvelle peine capitale si la pêche au krill antarctique et à d’autres espèces planctoniques se développait sans frein et sans transparence dans d’autres mers du monde.

Par contre, la CBI devrait dans les heures qui viennent examiner une proposition de sanctuaire baleinier dans l’Atlantique Sud qui se connecterait au sud avec le sanctuaire de l’Océan austral autour de l’Antarctique et avec le sanctuaire de l’Océan Indien. Sa limite nord serait l’équateur. Au nord, les baleines au large du delta de l’Amazone et du Gabon seraient aussi prémunies contre une reprise éventuelle de la chasse commerciale. La durée de ce sanctuaire serait au minimum de 20 ans.

(1) Emptying the Oceans: A Summary of Industrial Whaling Catches in the 20th Century, Marine Fisheries Review 76 (4), 2014

 

 

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