Le panache était noir et épais. Des épaves, des pneus, des ordures mélangées et masquées, des bois de démolition ont pris feu vers 17h le dimanche 18 juin 2023 près du parc où en juillet se tiendra la 74ème édition de la Foire aux vins de Colmar, là où la ville a perdu son charme et où les déchets peuvent prendre les armes. Il suffit d’un briquet, d’une allumette, voire d’une loupe, d’une étincelle ou d’un barbecue mal tourné. Dans les Vosges, la forêt prend feu au risque de réveiller des munitions endormies et oubliées. Il était inévitable que dans la plaine d’Alsace la décharge dans les broussailles de Colmar se dégoupille comme une grenade.
© Radio France – Guillaume Chhum
Dès le début de l’incendie qui a mobilisé 115 pompiers et 30 camions, la préfecture du Haut-Rhin a gréé son COD (Centre Opérationnel Départemental). Le COD est un outil de gestion de crise. Il regroupe les services de l’Etat, les pompiers, les acteurs de la sécurité civile, les experts patentés, en cas d’événement majeur. L’incendie a fait rage pendant plusieurs heures, contraignant à la fermeture du trafic ferroviaire et du trafic aérien et à l’évacuation de plusieurs dizaines d’habitants d’un lotissement et d’usagers d’une aire de gens du voyage.
Et comme souvent, le COD a dégainé son code de mauvaise conduite en déclarant que les fumées n’étaient pas toxiques. Or, un incendie de pneus, d’épaves et de déchets en mélange libère des hydrocarbures cancérogènes, des dioxines et des furanes, des Composés Organiques Volatiles (COV) et des Eléments-Traces Métalliques (ETM). Les suies, les fumées, les cendres sont retombées dans les jardins et dans les vignes.
Robin des Bois déplore que sous l’autorité des préfets soient diffusés des communiqués aussi lénifiants. Un tel sous-dimensionnement de la communication institutionnelle vise évidemment à rassurer et à anesthésier les populations.
Banaliser les feux de pneus, d’ordures, d’épaves, c’est banaliser l’inacceptable et encourager les maires et les collectivités à l’inertie face à des clusters de risques et d’insalubrité.
Le maire de Colmar s’est d’ailleurs engouffré dans la voie ouverte par la préfecture. “Les maisons et les caravanes ne sont pas touchées, elles étaient sous la fumée mais les gens pourront probablement retourner chez eux” a déclaré le maire en fin de journée. Comme de juste, vers 23h les personnes avaient regagné leurs maisons ou leurs abris de fortune, près des cendres toxiques et des déversements de mousse au PFAS qui ont contribué à circonscrire l’incendie. A noter que sur sa page Facebook, le maire de Colmar dans les premières heures de l’incendie a mentionné à 3 reprises que les fumées d’un incendie de pneus étaient toxiques ou très toxiques.
Robin des Bois souhaite que conformément à la circulaire du 20 février 2012 relative à la gestion des impacts d’évènements d’origine technologique en situation post-accidentelle, un diagnostic des conséquences environnementales et sanitaires soit déclenché par la préfecture du Haut-Rhin.
Compte tenu de la proximité des populations, de la viticulture et de l’apiculture, de L’Ill et de la Fecht, affluent et sous-affluent du Rhin, et de captages d’eau potable, le COD et la cellule en charge de la phase d’urgence doivent être suivis de la cellule de gestion post-accidentelle réunissant la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), l’Agence Régionale de Santé (ARS), ATMO-Alsace, le Sdis, l’agence de l’eau Rhin-Meuse et la mairie de Colmar. Robin des Bois a écrit à Monsieur le préfet du Haut-Rhin pour appuyer cette requête.
Pour rappel, le maire dispose d’un pouvoir de police administrative général et d’un pouvoir de police administrative spécial. En application de l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le maire de Colmar doit assurer la sûreté, la salubrité et la tranquillité publiques. L’article L.541-3 du Code de l’environnement lui permet de prendre des mesures administratives contre les propriétaires des déchets. La jurisprudence est claire : l’inaction du maire, dans la gestion des dépôts sauvages de déchets sur terrain privé ou sur terrain public, engage sa responsabilité et celle de la commune notamment lorsqu’il a été régulièrement averti (Conseil d’Etat, 18 décembre 2020, n°420569). Des riverains avaient à plusieurs reprises alerté la mairie au sujet des risques potentiels de cette décharge sauvage.
Imprimer cet article