Observations de l’association Robin des Bois – Enquête publique – Projet ECOCOMBUST 2 – Cordemais – PAPREC ENERGY FROM WASTE
Monsieur le Commissaire enquêteur,
Vous trouverez ci-dessous les observations de Robin des Bois, association fondée en 1985 et agréée au titre de la protection de l’environnement depuis 2008 sur le territoire national, concernant le projet ECOCOMBUST 2 porté par PAPREC.
PAPREC prévoit la construction d’une usine de fabrication de “blacks pellets”, la construction d’une installation de traitement thermique de déchets non dangereux, d’une installation de traitement des effluents gazeux et d’une station de traitement des effluents liquides sur le site de la centrale thermique de Cordemais et sur un espace artificialisé de 35.000m2.
1/ Bois B – Marché local
L’unité de production de “black pellets” – une appellation commerciale qui ne correspond à rien de normatif – est fondée pour l’essentiel sur un approvisionnement en bois de classe B originaire de la région Pays de la Loire et des régions périphériques. Or, de nombreuses chaudières collectives ayant bénéficié de l’appui de l’ADEME et s’étant équipées de dispositifs post-combustion performants sont déjà en exploitation ou en pré-exploitation dans les régions susceptibles de servir de gisement au projet ECOCOMBUST 2.
L’aspirateur de bois de classe B tel qu’il est présenté par PAPREC va déséquilibrer le marché local de la valorisation énergétique des bois de classe B.
Une concurrence entre ces chaufferies collectives exploitées par les communautés de communes et le projet ECOCOMBUST 2 va s’amplifier au fil des années et jusqu’à un point de bascule où économiquement il sera impossible de continuer à exploiter les bois de classe B (sauf à en importer de régions éloignées ou même de pays étrangers). En conséquence, nous estimons que le projet ECOCOMBUST 2 arrive trop tard et met en péril un système de proximité qui est en train de se mettre en place.
Pour faciliter la vente de ces “black pellets” à EDF Cordemais ou à d’autres clients, le prérequis est d’obtenir un statut de sortie des déchets des broyats et autres transformations des bois B. Or, ce dossier serait en cours d’évaluation. Et les résultats de cette évaluation seront de toute façon postérieurs à l’enquête publique/. Cette seule absurdité chronologique suffit à notre sens à rendre caduc le dossier tel qu’il nous est présenté.
Le schéma ECOCOMBUST 2 permettrait à PAPREC d’ouvrir une installation thermique apparentée à un incinérateur qui brûlerait chaque année 40.000 tonnes de Combustibles Solides de Récupération (CSR). Il n’y a aucune mention dans le dossier sur le bilan des résidus solides de combustion des CSR qui concentreront du chrome, de l’arsenic, du plomb, d’autres métaux et d’autres substances fongicides et toxiques et sur le fléchage qui sera imposé à ces résidus dangereux. Cette installation thermique contribuerait à produire in fine 160.000 tonnes de “black pellets” par an à partir d’un gisement de 250.000 tonnes (à 280.000 tonnes) de bois de classe B, ce qui implique la mise à l’écart d’une centaine de millier de tonnes par an de bois usagés. Il ressort de nos retours d’expériences que la frontière entre les bois B considérés comme des déchets non-dangereux et les bois C considérés comme des déchets dangereux est très perméable et qu’aucun contrôle visuel, olfactif ou même chimique ne pourra empêcher l’introduction de bois C dans la production de “black pellets” et dans leur combustion.
Il faut en fait que les pouvoirs publics, les collectivités, les acteurs du recyclage dans leur diversité et les éco-organismes se rendent compte qu’un projet gigantissime comme ECOCOMBUST 2 tuerait des filières bien installées comme la réutilisation des palettes, ou des filières espérées comme le ré-emploi des meubles.
2/ Rejets
La combustion du bois naturel et pire encore du bois adjuvanté est connue pour libérer dans l’atmosphère, malgré les dispositifs de post-combustion quand ils existent, des flux importants de particules fines qui contribueront dans ce cas particulier pour au moins 2 décennies au maintien ou à l’aggravation de la pollution atmosphérique dans l’estuaire de la Loire. Le brûlage des bois industriels issus de la démolition du bâti ou de l’abandon par les usagers des meubles collés, adjuvantés, traités, lasurés est une cause majeure quoique inattendue de pollution de l’air ambiant et des cultures fourragères et céréalières, une pollution aussi des marais et des canaux qui sont des habitats appropriés pour des espèces migratrices et typiquement ligériennes comme les civelles.
Le porteur du projet précise que les valeurs des différents paramètres ont été relevées à la station de Montjean-sur-Loire (Mauges-sur-Loire), la station la plus proche, soit à environ 80km en amont de Cordemais. Nous souhaitons savoir pour quelles raisons le porteur du projet n’a pas procédé à des prélèvements d’eau dans la Loire au niveau de la commune de Cordemais. Nous notons par ailleurs que les polluants libérés par la combustion des bois B (et d’une manière in contrôlable certains bois C avec de la créosote) sont beaucoup plus nombreux et d’une certaine manière beaucoup plus dangereux pour la santé humaine et animale puisque des contrôles devront être menés par exemple sur les rejets des PFAS, des pesticides/fongicides, des PCB, autant de substances persistantes et anthropiques qui ne sont pas intégrées à des ressources fossiles comme le pétrole et le charbon.
3/ Biodiversité
Le porteur du projet prévoit la surélévation de la route d’accès au site afin d’éviter le risque inondation ou submersion identifié. Cette surélévation entraine l’abattage d’un alignement de bouleaux qui servaient de territoire de chasse, de zone transit et de corridor à au moins deux espèces de chauves-souris : la pipistrelle commune et la pipistrelle de Kuhl.
L’inventaire a été réalisé le 27 juin 2023 entre 22h et minuit par M. NORMAND, Chiroptérologue (Ouest Am’). Nous estimons que cette visite unique sur le site est insuffisante. Nous souhaitons que d’autres visites soient menées en toutes saisons. Pour rappel, la visite intervient fin juin soit au moment de la mise à bas ou de l’élevage des jeunes et ne tient pas compte de l’hibernation.
L’abattage prévu par PAPREC vient en contradiction avec la mesure d’évitement prévu par la dérogation “espèces protégées” du 14 février 2023 d’EDF “ME 1: évitement en phase travaux et exploitation de l’alignement d’arbre présent à l’ouest des bacs 6 et 7 représentant un corridor de déplacement favorables aux chiroptères“.
PAPREC conclut que le rapport de l’expert “démontre l’absence d’enjeu lié à la suppression de l’alignement de bouleaux” et que dans tous les cas “les bouleaux sont des arbres pionniers dont la durée de vie moyenne est de 30 à 40 ans alors qu’ils ont été plantés il y a environ 35 ans“. L’alignement de bouleaux et les lampadaires (territoire de chasse) font partie de l’habitat et du territoire de vie des chauves-souris. Nous estimons que PAPREC compte tenu de la spécificité ne doit se contenter de s’approprié la dérogation “espèces protégées” à EDF. PAPREC doit demander, en son nom propre, une dérogation “espèces protégées” pour toutes les espèces de chauves-souris identifiées et de proposer des mesures de compensation.
Le porteur de projet précise dans l’étude d’impact (PJ n°4, p.49) que “dans le cadre du projet ECOCOMBUST 1 de 2019 sur le site de Cordemais, des inventaires naturalistes réglementaires ont été réalisés en 2018, 2019 par le bureau d’études SCE sur plusieurs zones du site envisagées pas le projet de l’époque dont la zone comprenant les bacs 6 et 7. SCE a effectué 8 passages sur le site, étalés sur 2018 et 2019 et de manière à couvrir un cycle biologique complet, afin d’identifier les enjeux écologiques présents sur et autour de la zone d’emprise du projet ainsi que les impacts potentiels, avérés, directs, indirects, temporaires et permanents du projets sur ces enjeux“. Le projet ECOCOMBUST 1 était porté par EDF. Les premiers inventaires ont été réalisés en 2018 soit 4-5 ans avant le projet ECOCOMBUST 2 porté par PAPREC.
PAPREC doit réactualiser ces inventaires et mener son propre inventaire pendant un cycle saisonnier complet sur le site. Nous regrettons cette absence et estimons que l’étude d’impact est incomplète sur ce point. Nous estimons que PAPREC doit fournir une mise à jour des inventaires réalisés.
Les inventaires réalisés par EDF en 2018 et en 2019 ont identifié plusieurs espèces protégées : le crapaud calamite, le pélodyte ponctué et le lézard des murailles. EDF bénéficie depuis le 14 février 2023 d’une dérogation “à la capture, à l’interdiction de destruction d’habitat et de spécimens de Crapaud calamite et Crapaud pélodyte dans le cadre de la déconstruction de bacs à fiouls désaffectés sur le site EDF de Cordemais” (pièce 8 AP DDTM Derog Crapaud).
Il est étonnant que PAPREC, compte tenu de l’imprécision de son calendrier, n’ait pas à mettre en œuvre une demande de dérogation dans l’éventualité tout à fait probable où de nouveaux amphibiens viendraient recoloniser le site.
Au regard des éléments ci-dessus qui ne sont pas exhaustifs, Robin des Bois se prononce contre le projet ECOCOMBUST 2 porté par PAPREC.
Robin des Bois
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