Consultation publique – demande de dérogations permettant la capture de grenouilles rousses

2 janv. 2024

Consultation publique – demande de dérogations à l’article L411-2 du Code de l’environnement permettant la capture de grenouilles rousses pour la saison 2024. Commentaires de Robin des Bois.

L’association Robin des Bois est opposée à l’octroi de ces dérogations qui conduisent chaque année à la capture d’environ 2 millions de grenouilles rousses, un nombre de spécimens considérable pour une espèce protégée par l’arrêté en date du 8 janvier 2021 fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l’ensemble du territoire national.

Les 143 demandes de dérogations présentées ne sont aucunement d’intérêt général. Elles seraient au profit exclusif de quelques-uns. Elles sont excessives, un demandeur réclame par le biais de 2 demandes 28.000 grenouilles à lui seul. Elles ne remplissent pas les conditions imposées par l’article L411-2 du Code de l’environnement:

– La “pêche” des adultes et la capture des œufs nuisent au maintien des populations de grenouilles rousses dans leurs aires de répartition naturelle.

– Ces demandes de dérogations sont au profit de l’intérêt économique ou de loisir de quelques-uns et aucunement dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels.

– Ces dérogations n’ont pas pour but de prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété.

– Ces dérogations ne sont pas dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement.

– Ces dérogations ne remplissent pas de missions de recherche ou d’éducation. L’argument repeuplement habilement mis en avant est un leurre. Les grenouilles relâchées avaient été préalablement capturées dans la nature et le très faible nombre de spécimens relâchés au regard du nombre très important de spécimens tués prouve que la finalité de ces dérogations est de permettre la consommation alimentaire d’une espèce protégée après l’avoir amputée de ses cuisses.

– Ces dérogations ne visent pas non plus à permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens. Le nombre de spécimens qui seraient concernés par ces dérogations n’est aucunement limité et n’apporte pas la preuve que ces captures ne nuiraient pas aux populations de grenouilles rousses.

Nous constatons d’ailleurs qu’aucune étude environnementale, aucun inventaire officiel des populations de grenouilles rousses en France et en Bourgogne-Franche-Comté ne sont mis à disposition pour justifier de ces demandes. Pourtant, l’espèce a été classée sur la liste rouge des amphibiens et des reptiles menacés de Franche-Comté, comme “quasi-menacée” et les populations de grenouilles rousses sont en baisse.

D’autre part, la frontière entre filière légale et braconnage/contrebande est poreuse. La condamnation du président du syndicat interprofessionnel de la grenouille rousse en 2022 en est une preuve éclatante. Rien n’est dit dans le dossier soumis au public sur les efforts de traçabilité de la filière (y compris des activités dites “non commerciales”) et les moyens déployés pour intensifier les contrôles.

A la capture légale et illégale s’ajoutent d’autres menaces : le champignon Batrachochytrium dendrobatidis que les ranaculteurs sont susceptibles de propager malgré l’emploi sur les lieux de bactéricides dangereux pour l’environnement, les destructions des habitats aquatiques, la pollution des cours d’eau et des zones humides par les activités agricoles et industrielles et les aléas climatiques.

La grenouille rousse est une espèce charnière indispensable au bon équilibre trophique du milieu.

Elle se nourrit d’invertébrés (insectes, mollusques). Elle a un rôle de régulateur et contribue naturellement à la démoustication dans les départements du Doubs, du Jura, de Haute-Saône et de Saône-et-Loire. Elle est prédatée par une faune diverse et par des espèces également menacées : le héron cendré, l’effraie des clochers, la loutre d’Europe, la musaraigne aquatique ainsi que des poissons et des reptiles. Les services écosystémiques rendus par l’espèce sont donc importants.

La dérogation “espèces protégées” est normalement délivrée à une seule personne, morale ou physique. Le titulaire de la dérogation, en application de l’article R.411-11 du Code de l’environnement, ne peut que la transférer à un autre bénéficiaire et ne peut pas la “partager” avec d’autres personnes. Les “participants”, doivent déposer eux-mêmes une demande de dérogation.

Enfin, rien n’est dit sur les conditions d’abattage “au domicile” ou “dans un hangar” des grenouilles.

La tradition culinaire de la cuisse de grenouille de Franche-Comté (et les éventuelles retombées économiques) ne constitue pas une des conditions prévues par le Code de l’environnement pour l’octroi de dérogations et nous vous demandons donc de refuser ces demandes ou du moins toutes celles supérieures à 1500 spécimens.

Robin des Bois

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