Depuis 3 semaines, l’ex-porte-avions Clémenceau a quitté en remorque le port de Toulon. Il est aujourd’hui immobilisé en pleine mer Méditerranée.
Pour le pyralène (appellation commerciale des PCB) utilisé dans les systèmes électriques et autres appareillages, le Clémenceau pourrait bien être pris la main dans le sac. Les exportations et importations de pyralène sont soumises aux acceptations préalables des administrations nationales. Le pays récepteur doit faire la preuve qu’il détient les capacités techniques d’élimination des PCB. Plus clair encore, le Ministère de la Défense a soumis dans le cadre du plan national de décontamination et d’élimination des appareils contenant des PCB un inventaire et un échéancier de décontamination entre 2002 et 2010 au plus tard. A ce titre, 1507 transformateurs, 78 condensateurs, 27 redresseurs, 1 local à huile et 5 disjoncteurs ont été déclarés.
Le plan national PCB, pris en application tardive d’une directive européenne et consolidant un décret de 1987, contraint à l’extraction des PCB contenus dans des systèmes clos avant toute démolition d’installation fixe ou mobile. Ce qui ne semble pas avoir été fait dans le cas du Clémenceau. Si cette coque était démolie en Grèce, en Turquie, en Chine, au Bangladesh, ses PCB auraient alors à revenir en France, en Angleterre, en Espagne, trois des rares pays détenant des installations de destruction appropriées.
L’association Robin des Bois, membre de la commission chargée d’élaborer et de surveiller l’application du plan national PCB, a saisi le 29 octobre le Ministère de l’Ecologie qui a immédiatement et formellement interrogé à ce sujet le Ministère de la Défense. Le Contrôleur Général des Armées dont la réponse était attendue dans les plus brefs délais ne s’est toujours pas exprimé sur ce sujet épineux.
Construit à Brest par les ouvriers de la Navale, dont les veuves multiplient aujourd’hui les recours devant les tribunaux, l’ex-porte-avions contient environ 3000 tonnes d’amiante. A notre connaissance, et contrairement à la rumeur publique, il n’y a pas de convention internationale spécifique relative au démantèlement des immeubles ou objets contenant de l’amiante. La protection des travailleurs pendant les démolitions repose sur les législations nationales relatives aux conditions de travail et à la protection de l’environnement. Ces codes du désamiantage assurent en théorie la mise en œuvre de protections physiques pour les ouvriers, et d’une filière d’élimination pour les déchets. Dans la pratique, et même dans les pays dits développés, le désamiantage est fait au préjudice des intervenants. Dans les trois derniers mois, Robin des Bois a fait suspendre 3 chantiers de démolition (Le Havre/ Rouen / Montendre -17) pour défaut de plan de retrait de l’amiante. La Marine Nationale, en optant pour l’exportation de l’ex-Clem , ferait des économies substantielles : à Brest, une veuve d’ouvrier de la Navale peut prétendre à une indemnité de 25.000 euros, et chacun des enfants à 15.000 euros. De la construction à la déconstruction, les risques sanitaires de l’amiante sont exactement les mêmes.
Le Clémenceau doit à notre sens rentrer à Toulon ; l’Etat doit donner à la Marine Nationale les moyens financiers de se conformer aux droits français et européen en ce qui concerne les PCB, et d’assumer ses responsabilités morales en ce qui concerne l’amiante. Les moyens techniques existent, seuls font défaut les moyens financiers et la volonté politique de créer un précédent positif.
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