Plus de 30 ans après la fermeture des carrières, mines et sites de traitement et d’ensachage de Canari, à l’ouest du Cap Corse, le spectacle monumental de la négligence des industriels de l’amiante hypothèque la qualité de vie et l’avenir touristique du Cap Corse et du Golfe de Saint Florent. C’est grâce à l’action commune de l’Union du Peuple Corse (UPC) et de l’association Robin des Bois, en collaboration avec la municipalité de Canari et la communauté de communes du Cap Corse, que le processus de remédiation prend enfin forme, après une première inscription à l’inventaire des sites pollués publié par le Ministère de l’Environnement en janvier 1993.
12 millions de m3 de déchets amiantifères (stériles) ont été rejetés en mer, ont modifié le littoral sur plusieurs kilomètres et recouvert les plages et le port de Marine d’Albo. Les effets de la turbidité des eaux littorales et du relargage des poussières d’amiante à l’interface mer-plage n’ont jamais été étudiés, ni sur les riverains sédentaires ou occasionnels, ni sur la faune marine. Au moins 150.000 m3 de déchets encroûtés ou pulvérulents sont laissés à l’abandon, exposés au vent et à la pluie, aux glissements, sur la côte rocheuse et sur le versant de la montagne au-dessus et autour de l’usine sur 50 hectares.
Le site de Canari a alimenté tous les sites pollués en France par la transformation de l’amiante. L’actionnariat de la SMA (Société Minière de l’Amiante) en témoigne: tous les vandales de l’amiante faisaient partie de la bande : Eternit Prouvy, Eternit Belge, Amisol à Clermont-Ferrand, Ferodo à Condé-sur-Noireau, Evers au Havre, Feutres et Amiantes du Nord. Une telle désolation est impensable en un point quelconque du littoral continental français. Jusqu’alors, la Corse a été considérée par les industriels et l’Etat français comme une “zone franche écologique”. Des dizaines d’ouvriers de l’usine et 5 dockers du port de Bastia en sont morts.
Après l’étude de l’INERIS (Institut National de l’Environnement et des Risques), publiée en février 1996 – une première approche qui fait un inventaire des déchets et des risques de glissements de terrain – une étude de mise en sécurité d’urgence réalisée par le BRGM sera diffusée à Bastia par le préfet de Haute-Corse le 25 octobre. Le coût de ces premiers travaux est évalué à 20 millions de francs. L’Etat français prévoit une aide financière pour la commune de Canari, désormais propriétaire des terrains et pour la communauté des communes du Cap Corse. La réhabilitation constituera l’étape ultérieure. Dans ce cadre, l’interlocuteur du Ministère de l’Environnement est l’Association Française de l’Amiante qui regroupe Eternit, actionnaire majoritaire de la Société Minière de l’Amiante, ainsi que les sociétés Saint-Gobain, Fibrociment et Everit. C’est maintenant à ce cartel de rendre à la Corse une partie des bénéfices qu’il a tiré pendant un demi-siècle de la transformation effrénée de l’amiante.
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