Objet : pollution de rivière
Dernières nouvelles : Suite aux protestations des riverains et de ROBIN DES BOIS une partie des boues a été enlevée et stockée en décharge de classe II.
En octobre 1995, une entreprise locale a procédé à l’extraction d’environ 5.000 tonnes de boues dans la Lézarde, une rivière qui traverse Montivilliers et Harfleur dans la banlieue du Havre avant de se jeter dans le canal de Tancarville. Malgré les multiples pollutions observées ces dernières années sur le segment concerné de la Lézarde, les boues susceptibles d’être lourdement contaminées par les éléments-traces et les hydrocarbures totaux nuisant à la salubrité publique, à l’environnement et aux ressources en eaux superficielles et souterraines n’ont fait l’objet d’aucune analyse préalable. Après curage, elles ont été immédiatement nivelées sur environ 1 km de long. Selon la pratique dite du “régalage”, un ruban de boues compactées, large d’environ 5 mètres occupe la berge gauche de la Lézarde sur les territoires des communes d’Harfleur et surtout de Montivilliers, derrière la zone d’aménagement commercial de la Lézarde.
A la suite des protestations et investigations de riverains à Harfleur et notamment de la famille Lalouelle, aimablement qualifiée de “caractérielle” par les différents services de l’état, il se confirme que les boues de curage du lit de la Lézarde sont toxiques et contaminantes.
Le “néosol” créé par le dépôt et le nivellement des boues est d’un mètre de profondeur. Il condamne toute activité agricole ou d’agrément sur les parcelles touchées et expose les nappes phréatiques et le cours d’eau au ruissellement ou la percolation des polluants.
Les analyses pratiquées à l’initiative des riverains comme à la demande de la Direction Régionale de l’Environnement révèlent pour les paramètres plomb, HPA – hydrocarbures cancérigènes de la famille des polycycliques aromatiques – et PCB des teneurs fortes incompatibles avec le mode d’élimination choisi et explicables par les rejets dans la Lézarde des eaux pluviales des parkings de la zone commerciale, par les vidanges de pipe-lines désaffectés et par les écoulements de l’ex-usine à gaz de Montivilliers. Elle était riveraine de la Lézarde et figure sous le numéro 76.0036 au recensement des sites et sols pollués publié en 1994 par le Ministère de l’Environnement avec les mentions “pollutions par les HPA des sols et des nappes sous-jacentes”.
Un an et demi après le curage de la Lézarde, la préfecture de Seine-Maritime reconnaît enfin la gravité de la pollution et demande officiellement au syndicat des rivières d’Harfleur dont le président est par ailleurs maire d’Harfleur de “procéder à l’enlèvement des boues de curage compte-tenu du non-respect du titre VIII au Règlement Sanitaire Départemental qui stipule que l’épandage des boues est interdit à moins de 50 m des immeubles habités par les tiers”.
La réhabilitation est d’autant plus urgente que sur le terrain touché par le dépôt de boues, la société Gaumont, conformément à un permis de construire délivré le 3 avril 1996 par les mairies d’Harfleur et de Montivilliers, devrait entamer dans quelques semaines les travaux de construction d’un complexe cinématographique de 2300 fauteuils. Une visite récente nous a montré qu’au-delà du cordon de boues, des strates de déchets divers vraisemblablement considérés comme inertes y ont été déposés au fil des années. Des piézomètres permettant l’échantillonnage et l’analyse des nappes d’eau affleurantes viennent d’y être installés sous l’autorité de la Direction Régionale de l’Industrie et de l’Environnement.
L’affaire de la Lézarde résume la mauvaise gestion en Normandie des petits fleuves côtiers du pays de Caux et des affluents de la Seine, comme le Cailly et la Clérette, le Dun, l’Aubette, le Crevon, la Bresle, la Risle. En bénéficiant d’une connivence, qui serait abusive si elle se perpétuait, des services tutélaires de l’Etat – DRIRE, DDE et Agence de bassin Seine-Normandie -, les industriels, les communes et les aménageurs considèrent les cours d’eau comme des dépotoirs. Dans un second temps, les opérations de curage sont assimilées à des travaux de voirie fluviale par les SIVOM – Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple – sans prendre en compte la toxicité des boues, la migration des polluants dans les milieux naturels et les transferts dans les chaînes alimentaires. Une attitude particulièrement préjudiciable dans l’écosystème dégradé de l’estuaire de la Seine et dans cette zone d’habitat dense où la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine n’est pas pérenne. Le Président du syndicat des rivières d’Harfleur qui dénonce “une campagne proche de l’intoxication concernant la qualité des boues de curage des rivières entretenues par [son] syndicat” a déposé des déchets sur le terrain d’autrui, en l’occurrence le syndicat des copropriétaires de la zone d’activité commerciale de la Lézarde et la société Gaumont dont le projet subira quelque retard.
Cette décharge sauvage doit être décapée et les déchets traités ou confinés dans les installations agréées. M. le Maire d’Harfleur aurait tort d’attendre que comme les vases, cette affaire se tasse.
Imprimer cet article