Sur les étagères de l’apothicaire avec la bonne tisane pour le foie, la jouvence de l’Abbé et l’amer papier d’Arménie, il y a encore le blanc de baleine.
Il résulte d’une lecture attentive du Vidal, “bible” des médecins, que de nombreuses spécialités pharmaceutiques ont comme excipient ou adoucissant du blanc de baleine : des comprimés, dragées, quelques pommades et un suppositoire.
Le blanc de baleine ou spermaceti ou cire de cachalot est extrait de la tête et des sinus du cachalot. Il est remarquable par sa viscosité, sa stabilité et son innocuité.
Alors qu’en 1985, au début de l’enquête de Robin des Bois sur l’utilisation des produits baleiniers par l’industrie pharmaceutique, 70 médicaments distribués sur le marché français contenaient du blanc de baleine, il n’y en a plus aujourd’hui que 19 selon nos relevés, mais 30 selon les services informatiques du Ministère de la Santé.
C’est ainsi que les laboratoires de la Roche Posay ont remplacé dans leur cold-cream le blanc de baleine par un substitut synthétique, le palmitate de cétyle. La Roche Posay utilisait 1,5 à 2 tonnes de blanc de baleine par an (soit la “production” de 1 à 2 cachalots) et a obtenu la modification de son autorisation de mise sur le marché (AMM) après avoir prouvé au Ministère de la Santé que le nouveau composant ne modifiait pas le caractère de sa spécialité pharmaceutique.
Par contre, des laboratoires comme Ciba-Geigy et Roussel Uclaf continuent à utiliser du blanc de baleine ce qui n’est d’ailleurs pas illégal puisque c’est seulement l’importation des produits baleiniers à des fins commerciales dans les pays de la CEE qui est interdite.
Sans doute ces grandes maisons ont-elles accès à des stocks importants de blanc de baleine importés en Europe avant janvier 1982.
Hier, dans Libération, une porte-parole du grand groupe chimique Ciba-Geigy déclarait que la mention “blanc de baleine” avait été laissée “par tradition mais qu’en fait, il avait été remplacé par un produit de synthèse.
Nostalgie surprenante de la part de la multinationale bâloise mais argument foireux car selon les articles L 601 et R 5140 du code de la santé publique, toute modification d’une spécialité pharmaceutique agréée doit être officiellement entérinée par le Ministère de la Santé.
Cette procédure de modification coûte cher et Ciba-Geigy juge sans doute qu’il y a mieux à faire avec son argent, d’autant que le Ministère de la Santé n’a pas encore ordonné le retrait légal du blanc de baleine.
“Notre vocation première est de protéger la santé publique, pas l’environnement”, dit-on à la direction de la pharmacie du Ministère de la Santé.
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