40.000 m3 de vases à draguer dans le bassin du Commerce et l’avant-port sont trop contaminés pour être immergés. Une bonne nouvelle pour les poissons, les crustacés, le gisement de coquilles Saint-Jacques et les activités d’aquaculture ? Pas vraiment : les boues de dragage considérées par le droit européen et français comme des déchets vont être utilisées comme des matériaux de travaux publics pour créer un terre-plein portuaire. L’étanchéité de cette nouvelle décharge n’est pas assurée ; les eaux de décantation des vases seront rejetées en rade.
En application de la réglementation européenne transposée en droit français, les boues de dragages du bassin du Commerce et de l’avant-port de Cherbourg sont des déchets dangereux (rubrique 17-05-05) car elles contiennent des substances écotoxiques qui « présentent ou peuvent présenter des risques immédiats ou différés pour une ou plusieurs composantes de l’environnement ». Les résultats des analyses réalisées sur ces vases en 1998 montraient une contamination très forte ; les résultats de 2003 quoique mauvais sont moins pires et suggèrent une désinformation ou une atténuation naturelle invraisemblable en particulier pour le mercure ; d’autant qu’entre 1998, 2003 et maintenant 2006, les rejets des parkings entourant le bassin du Commerce et les déchets des activités de pêche ne se sont pas taris. Selon l’option la moins pénalisante pour l’environnement (campagne d’analyses de 2003), la charge toxique globale de ces 40.000 m3 de déchets de dragage est de 7 t de plomb, 2 t de cuivre, 692 kg d’Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques (HAP), 620 kg d’arsenic, 38 kg de cadmium, 4 kg de mercure, 5 kg de polychlorobiphényles (PCB) et 5,8 kg de tributylétain (TBT), ces deux dernières substances organiques étant toxiques pour les organismes marins à des quantités infinitésimales de l’ordre du nanogramme ou du microgramme. Les hydrocarbures totaux provenant de l’exploitation des stations services portuaires et de la flottille de pêche n’ont pas été analysés (seules ont été communiquées des analyses en HAP). Malgré les incitations règlementaires à analyser la radioactivité dans les boues de dragages lorsque le contexte local le justifie, aucun des radionucléides provenant des activités de maintenance, de démantèlement et de transit des sous-marins nucléaires et des rejets de l’usine de la Hague n’a été analysé.
Le terre-plein/décharge sera situé dans la darse des Mielles, près des chantiers historiques de constructions et de réparations navales. Le socle sous-marin du terre-plein n’a pas été analysé. Il est sûr que les vases critiquement polluées du bassin du Commerce vont recouvrir un site sous-marin contaminé. Les déchets de dragages seront ensuite recouverts d’une couche de remblais terrestres et oubliés.
Les eaux issues de la décantation des vases et de leur consolidation vont constituer un flux de pollution supplémentaire pour la rade de Cherbourg. Il s’agit à nos yeux d’une immersion déguisée dont les effets sur les saumons d’aquaculture, les poissons sauvages et les coquilles Saint-Jacques de la rade de Cherbourg ne sont pas pris en compte.
Robin des Bois déplore que contrairement à ses recommandations émises lors de l’enquête publique de 2003, ce terre-plein ne soit pas une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE), que les eaux de décantation ne soient pas pompées et traitées dans une installation dédiée. Pour faciliter la mémorisation de ce site suspect, il importe qu’il soit inscrit à l’inventaire régional des sites potentiellement pollués.
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