De Dunkerque à Saint-Jean-de-Luz, de Banyuls à Menton, les rejets chroniques ou accidentels des ports, des activités industrielles et agricoles et des stations d’épuration polluent le littoral avec efficacité. Algues toxiques, métaux lourds, hydrocarbures, composés chlorés, bactéries fécales et macrodéchets naviguent vers les plages toute l’année. Mais chaque été, ils se diluent dans le flot de communication rassurant des ministères de l’Environnement, de la Santé et des labels. Pourtant, l’insalubrité du littoral est d’actualité, avec ou sans couche de fuel par-dessus ou par-dessous.
Chaque année, les ports déversent à quelques encablures des plages des millions de tonnes de boues de dragage polluées. Pratiqués pour assurer la sécurité de la navigation ou pour les aménagements portuaires, les dragages sont l’occasion de se débarrasser de vases qui ont accumulé les polluants rejetés directement dans les bassins, ou charriés par les fleuves. En effet, ces boues concentrent les métaux lourds et contiennent 100 à 1000 fois plus de bactéries que l’eau surnageante. Elles sont aussi des niches pour les kystes de phytoplancton toxique.
Les efflorescences d’algues phytoplanctoniques se multiplient. Les planctons toxiques peuvent être apportés par les eaux de ballast des navires ou dispersés par les immersions de boues de dragages. Ces proliférations provoquent sur la faune benthique des retards de croissance et des déficiences de reproduction. Certaines espèces sont toxiques pour l’homme. En mai 2000, le ramassage des coquillages a été interdit dans le Finistère après détection de Pseudo-Nitzschia (risques de troubles gastro-entériques et d’amnésies), et de Dinophysis. Les macro-algues, ou ulves, envahissent les baies bretonnes comme celles de Douarnenez, Lannion et de Saint-Brieuc, étouffent les autres espèces, et provoquent des marées vertes nauséabondes. La “laitue” ramassée sur les plages devient un déchet dont la gestion à terre reste problématique.
Les rejets des stations d’épurations sous-dimensionnées ou déficientes contribuent à la dispersion des bactéries et des métaux lourds. A Boulogne-sur-Mer, la station rejette un concentré de bactéries fécales. La seule solution offerte pour l’instant est l’interdiction permanente de baignade. A Marseille, l’Ifremer a mis en évidence une très forte contamination en métaux lourds (plomb, cadmium, mercure …) à proximité de l’émissaire de la station d’épuration.
Les hydrocarbures, qui contiennent tous des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques cancérigènes, sont présents sur tout le littoral. Selon l’Ifremer, la côte basque présente les teneurs les plus fortes. Les PCB (polychlorobiphényls) sont aussi décelables sur toute la côte. La Baie de Seine est le secteur le plus lourdement contaminé par ce polluant toxique rémanent.
Les macrodéchets, constitués d’emballages plastiques alimentaires, industriels ou médicaux, entraînent la mort par occlusion intestinale des mammifères marins ou des tortues qui les ingèrent. Pour les estivants et particulièrement les enfants, ils constituent un danger de blessure ou d’intoxication. En 1999, 12 fûts toxiques ont été repêchés avant leur échouage sur les plages de Biarritz.
Le classement des eaux de baignade, réalisé d’après les analyses de l’année précédente, n’intègre pas les métaux lourds, les virus, les planctons toxiques, les macrodéchets et les “nouveaux” polluants comme les dioxines, les oestrogènes, les radionucléides et les détergents. Les hydrocarbures, mousses et phénols font seulement l’objet d’une inspection visuelle et olfactive et ces observations ne sont pas prises en compte dans le classement final. Pour l’année 2000, aucune synthèse nationale de la qualité des eaux de baignade n’est disponible, suite à un mouvement social dans les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales. Mais de toute façon, le Secrétariat d’État à la santé déclarait en 1999 que les risques sanitaires liés à la contamination des eaux “doivent être comparés au risque numéro un qui reste la noyade”.
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