Il peut s’avérer dangereux de laisser partir un cargo quand les prévisions météo sont très mauvaises, quand le navire est porteur de déficiences connues des bases de données spécialisées, quand la navigation dans le chenal de sortie est reconnue comme difficile et qu’enfin les moyens de sauvetage et de remorquage immédiatement disponibles sont insuffisants au regard de l’état de la mer existant et à venir. L’exemple du TK Bremen échoué sur une plage d’Erdeven le 16 décembre 2011 après une nuit de dérive et son départ de Lorient dans l’après-midi du 15 est là pour le prouver.
Il peut aussi s’avérer dangereux de faire rentrer dans des conditions de mer mauvaises et dans un port d’accès réputé difficile un cargo lui aussi signalé pour des déficiences à répétition comme l’était le Luno. Des défaillances concernant des organes vitaux comme les moyens de propulsion principaux et auxiliaires avaient été repérées dans plusieurs ports européens et notamment à Bayonne (mars 2010, août 2012, octobre 2012).
Il reste maintenant après le pompage d’une partie du carburant et la dispersion en mer de l’autre partie à mettre en œuvre les moyens réglementaires et techniques d’une démolition nécessairement sur place en évitant la dispersion des plastiques, des déchets du bord, des néons et autres accessoires toxiques.
Un arrêté préfectoral encadrant la démolition est attendu. Il devra tirer profit du retour d’expérience de la démolition sur son lieu d’échouage du TK Bremen et veiller à ce que des ferrailles issues du cisaillage de la coque ou des micro résidus métalliques issus des fonds de cale ne soient dispersés en mer et sur les plages.
Deux ans après le démantèlement du TK Bremen, la plage d’échouage malgré quelques opérations de criblage cache encore des ferrailles qui au gré des mouvements de sable refont surface et posent des problèmes de sécurité physique pour les usagers. Début janvier 2014, une tôle cisaillée de près d’un mètre a resurgi. Dans le cas particulier du Luno, ce transporteur d’acier et de ferrailles, les surfeurs et les baigneurs seront exposés au risque de coupure et autres blessures.
Une résurgence du TK Bremen à Erdeven, 2 janvier 2014, © Le Télégramme
Il faut donc, comme il avait été prévu de le faire à l’issue de la démolition du TK Bremen, signer entre l’Etat, la ville d’Anglet, l’agglomération Côte Basque-Adour (ex communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz) et l’armateur du Luno une convention de vigilance sur le moyen terme visant à dégager les moyens techniques et financiers de la récupération des déchets. Pour le TK Bremen, cette convention est restée lettre morte. La démolition sur place a été effectuée par la compagnie hollandaise Smit qui s’est positionnée sur le marché de démolition du Luno.
En fait, la démolition in situ du Luno va poser des difficultés diverses. Le chantier impose des engins lourds et une exportation régulière des ferrailles. Il impose aussi une aire de stockage en haut de plage des matières dangereuses et des autres lots à recycler comme les plastiques et les Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques (DEEE). Des accès devront être élargis dans un milieu naturel fragile. D’autre part, dès maintenant, pendant tout le temps du chantier et après, les plages de part et d’autre de la digue sud seront susceptibles d’exposer tous les usagers, promeneurs, baigneurs, surfeurs, à des micro ou macro bouts de ferraille piquants, blessants, coupants. En conséquence Robin des Bois préconise à titre de précaution la suspension, jusqu’à nouvel ordre, des usages terrestres et nautiques de toutes les plages d’Anglet. Le périmètre de sécurité défini par la préfecture et la Mairie d’Anglet est insuffisant. Il ne tient pas compte de la dynamique des marées et des capacités de dispersion des déchets.
Le 5 février 2014 au matin, le Luno se dirige vers l’entrée du chenal d’accès au port de Bayonne (France). La tempête Petra déferle. Avant qu’un câble de remorque puisse être passé, le navire est victime d’une avarie électrique totale, est emporté, se brise sur la digue sud, en deux, puis en trois.
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