Les remorquages de vieux navires vers les chantiers de démolition se terminent souvent mal. En 2012, le FAS Provence, remorqué vers Aliaga avait coulé au sud de Malte. En 2013, le Lyubov Orlova avait disparu dans l’Atlantique après avoir rompu son câble d’amarre le lendemain de son départ du Canada. La même année, le Georg Büchner, ex-Charlesville remorqué pour démolition de Rostock (Allemagne) vers Klaipeda (Lituanie) avait coulé au large de la Pologne. En 2014, le navire-école allemand Emsstrom parti d’Allemagne vers les chantiers de démolition turcs avait coulé devant les côtes anglaises. En 2016, le Benita, rafistolé après un échouage, a coulé moins de 200 km après son départ de l’île Maurice.
La série noire s’allonge avec les 2 épaves de Noël 2016 au large de la Bretagne et pourrait bientôt être complétée par le Rio Tagus.
Méditerranée
Le Rio Tagus est immobilisé à Sète depuis plus de 6 ans à cause de sa vétusté, de sa mauvaise maintenance et de ses pannes de moteurs et de ses voies d’eau à répétition. Il était considéré en Méditerranée et en mer Noire comme un épouvantail et un danger public. Après son arrêt définitif à Sète et l’abandon par son armateur américain basé au Panama, le Rio Tagus a continué à rouiller et à se dégrader à quai. Il a été racheté par le ferrailleur espagnol Varadero à l’automne 2016 pour 11.000 €. Au moment de la vente, 2 options pour sa démolition étaient à l’ordre du jour : 1) démolition à Vinaros au sud de Barcelone, dans un chantier n’ayant aucune expérience de la démolition des navires et qui ne fait pas partie de la liste des chantiers agréés par l’Union Européenne ou 2) démolition in situ à Sète si son remorquage était considéré comme impossible au regard de la sécurité maritime et de la protection de l’environnement.
Aujourd’hui après un toilettage sommaire et l’extraction de 20 petits m3 d’eaux polluées, il serait en instance de remorquage selon la direction du port de Sète. Robin des Bois estime que ce convoyage aventureux ne serait pas conforme à la réglementation européenne et aux précautions qui doivent être prises pour éviter des pollutions supplémentaires en mer Méditerranée. La meilleure solution dans ce cas de nécessité absolue est de démolir in situ le Rio Tagus en faisant de ce chantier provisoire une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) conformément à la réglementation française et européenne.
Atlantique
Les Maersk Shipper et Maersk Searcher, voués à la démolition, sont au fond de l’eau au large de la Bretagne dans la Zone économique Exclusive de la France. Ils ont coulé dans la nuit du 21 au 22 décembre 2016. Ils étaient en remorque du Maersk Battler lui aussi voué à la démolition. Les trois remorqueurs ravitailleurs pour plateformes offshore venaient du Danemark, ils battaient pavillon danois, ils appartiennent à Maersk, 1ère compagnie maritime mondiale.
Ce remorquage à risque en plein hiver depuis la mer du Nord jusqu’en Méditerranée orientale en passant par le golfe de Gascogne et le détroit de Gibraltar aurait pu et aurait dû être évité. D’ailleurs, le 19 décembre, la Commission Européenne a publié une liste des chantiers agréés pour la démolition dans les pays membres. Cette liste mentionne les chantiers de Grenaa et d’Esbjerg au Danemark et de Gand en Belgique. A la Casse, le bulletin trimestriel de Robin des Bois sur la démolition des navires dans le monde a effectivement constaté que de nombreux navires de la taille des Maersk Shipper et Maersk Searcher ont été démolis dans ces chantiers depuis plusieurs années. C’est pour des raisons financières que Maersk expédie ses navires en fin de vie en Turquie, en Inde, en Chine ou au Bangladesh. Les chantiers de démolition y achètent les navires à ferrailler 2 à 3 fois plus cher qu’en Europe. Les 2 navires naufragés pèsent chacun autour de 4.000 t, le cours actuel de la ferraille en Turquie est de 200 US$ la tonne.
Juste après le naufrage des Maersk Shipper et Maersk Searcher, le Maersk Battler a signalé par des messages laconiques au CROSS Corsen que les 2 bateaux remorqués avaient coulé à 1h55 et à 6h33, que les 2 coques étaient “vides et dépolluées”, que le convoi était en route pour la Turquie, qu’il n’y a pas de risque de pollution et qu’il poursuit sa route vers la Turquie. Le Maersk Battler est arrivé à Aliaga le 5 janvier. Robin des Bois considère que la conduite du Maersk Battler qui au moment des faits était en concertation avec la cellule de crise de Maersk s’apparente à un délit de fuite.
Le 4 janvier, la Préfecture Maritime de l’Atlantique a signalé que chaque épave contient en fait “une centaine de m3 de résidus d’hydrocarbures en moyenne par coque”. Des débris et des irisations sont ponctuellement observés à l’aplomb des épaves. Les épaves non renflouées constituent des risques permanents de croche pour les navires de pêche et une source de pollution sur le long terme à cause des suintements d’hydrocarbures au fur et à mesure de la dégradation des coques et des citernes.
Robin des Bois porte plainte auprès du Tribunal de Grande Instance de Brest pour pollution des eaux et abandon de déchets.
Voir aussi
“Non à l’expulsion du Rio Tagus“, 16 décembre 2016
“Maersk continue à vider ses poubelles au large de la Bretagne”, 22 décembre 2016
La carrière du Rio Tagus, extrait de “A la Casse” n°45, page 20
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