L’explosion survenue chez Ecomet près de la centrale nucléaire de Sosnovy-Bor en Russie éclaire une fois de plus les dangers de la 2ème fusion des métaux contaminés par la radioactivité, et la diversité des pratiques et réglementations en vigueur dans ce domaine très spécial du recyclage. Des informations très intéressantes sur Ecomet sont rassemblées dès 1999 dans le numéro 33 de la Flèche, journal de Robin des Bois (cliquez ici pour accéder à l’article). Elles proviennent des déclarations orales et écrites des représentants d’Ecomet au cours de plusieurs colloques internationaux dont celui organisé par la Société Française d’Energie Nucléaire en mars 1998 à Avignon. Plusieurs experts des autorités de tutelle de l’énergie nucléaire en France, au Japon, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) et de la Communauté Européenne ont participé à l’organisation et aux débats de ce colloque. Le discours d’Ecomet n’a pas provoqué chez eux d’émotions ou de questions particulières.
Le recyclage, le négoce et la réutilisation des métaux radioactifs supposés décontaminés constituent l’un des problèmes insidieux de la face cachée de l’énergie nucléaire et des industries non nucléaires contaminées par la radioactivité naturelle technologiquement renforcée : la maintenance et le démantèlement.
En Suède, la fonderie Studsvik remet en circulation les métaux décontaminés s’ils ne dépassent pas 1 Bq/ g et à la condition que les lingots très faiblement radioactifs soient traités par une fonderie dans une coulée de métaux non radioactifs. C’est sur le même principe que Socatri, filiale à 100% d’Eurodif spécialisé dans l’enrichissement de l’uranium, a essayé en vain d’obtenir l’autorisation administrative de fondre des déchets métalliques faiblement contaminés chez Feurs-Métal dans le département de la Loire. Le rejet atmosphérique annuel de Studsvik est estimé à 500.000 Bq. Les scories sont renvoyées aux détenteurs des métaux, y compris quand ils viennent d’un pays étranger. Studsvik inclut dans son service un stockage de 20 ans permettant la décroissance radioactive compatible avec ses seuils de libération.
En Allemagne, les responsables de la fonderie CARLA de Krefeld (CARLA : Centrale Anlage zum Recyclieren Leichtaktiver Abfälle) disent que le plutonium, l’uranium et l’americium restent en majorité dans les scories tandis que des émetteurs beta et gamma comme le cobalt 60 se concentrent dans les lingots de métaux ferreux et d’aluminium.
Les lingots de la fonderie Centraco, dans le Nucléoland de Marcoule, quel que soit le degré de contamination, sont exclusivement utilisés dans le cycle nucléaire, par exemple pour fabriquer des containers. Centraco est en capacité de refondre 4.500 t / an. Les poussières et scories sont envoyés dans le centre dédié de l’ANDRA dans l’Aube
Pour compliquer encore l’état des lieux, les métaux radioactifs générés par des activités non nucléaires (TENORM : Technologically Enhanced Naturally Occurring Radioactive Material) bénéficient de seuils de libération et de réutilisation plus élevés. En Allemagne, des scories, sous-produits de la fusion en fonderie des déchets radioactifs générés par des industries non nucléaires, sont légalement utilisées en tant que matériaux de voirie à la condition que le radium 226 ne dépasse pas 65 Bq/g.
Les métaux radioactifs contaminés sont un enjeu sanitaire mondial; les volumes sont très importants; les sources de contamination et les contaminants sont très nombreux et le négoce des métaux est planétaire. Très vite, la traçabilité et la responsabilité se perdent. Les métaux refondus sont transformés en objets et équipements multiples et domestiques. Il est urgent que les communautés européenne et mondiale en dehors de l’AIEA ou sous sa tutelle harmonisent les pratiques, les seuils, la gestion des déchets de fonderie, leurs effluents atmosphériques et la protection des personnels.
Cette convergence est d’autant plus urgente que les métaux et alliages ferreux et non ferreux font aujourd’hui l’objet de spéculation et de profits considérables et que contrairement aux déchets chimiques, il n’y a pas de convention internationale sur les mouvements transfrontaliers de déchets radioactifs ou de matières secondaires radioactives.