Partout. Dans les ornières, les lisières, les clairières, les fermes, les délaissés, les parcs, les rivières, les ZNIEFF, les trous, la mer, gisent des pneus abandonnés et débraillés.
Transporteurs internationaux d’insectes, incubateurs de larves, imprenables gîtes à carnassiers, il leur arrive de brûler sous l’effet des hasards et des malveillances et de se conduire alors comme des soufrières artificielles jusqu’à l’interminable consomption des fumerolles métalliques et toxiques. Les pneus usés polluent le paysage, l’atmosphère, les sous-sols et les eaux.
Noir et rouge, le pneu, avec sa copine la palette, fait partie des meubles de la protestation élémentaire et du rituel de l’asphalte. Manifestement, les manifestants n’ont pas encore intégré que les pneus et les voitures en feu émettent des gaz nocifs, des hydrocarbures et des composés volatils cancérigènes et que le brûlage sauvage a sur eux, sur les riverains, sur les pompiers, sur les quartiers, des effets sanitaires et environnementaux négatifs et durables.
Le trafic international de pneus usagés destinés à une 2ème monte synonyme d’hécatombes routières en Afrique et en Amérique du Sud est l’instrument majeur de la mondialisation des moustiques. Le “moustique tigre” (Aedes albopictus) se propage dans le monde depuis la décennie 1970 grâce au transport d’oeufs dans les vieux pneus. Les “tigres” et les autres culicidés se développent naturellement dans les eaux sombres et stagnantes des creux d’arbres et bois morts. Les carcasses de pneus qui piègent l’eau de pluie enrichie par des débris organiques sont des pouponnières à moustiques. Le “tigre” a été repéré pour la 1ère fois en France en Basse-Normandie dans un stock à ciel ouvert importé du Japon et des Etats-Unis. Il est le vecteur de la dengue, de la fièvre du Nil et d’autres virus. Le Canada considère désormais que les stocks de vieux pneus représentent un risque sanitaire majeur.
Depuis décembre 2002, se met en place en France un ensemble de dispositions réglementaires disposant que l’abandon des pneus dans le milieu naturel est interdit et que les différentes parties intéressées – producteurs regroupés au sein d’Aliapur, distributeurs, détenteurs, collecteurs – doivent coordonner leurs efforts pour assurer la collecte et le recyclage sous diverses formes des pneus usagés, soit un flux annuel en France d’environ 60 millions de pneus d’un poids total de 390.000 t [année de référence 2002] .
La 1ère année de collecte s’est globalement bien passée, les principaux couacs provenant de la fragmentation des intervenants, de la difficulté à abandonner les vieilles habitudes et de la possibilité réglementaire de considérer le remblaiement et l’utilisation en tant que matériaux de couverture des ensilages agricoles comme des opérations de valorisation.
Entre 2005 et début 2006, grâce à l’impulsion d’Aliapur, aux médiations de Robin des Bois et à la priorité que le ministère de l’Ecologie accorde à ce thème, 11 stocks abandonnés sur l’ensemble du territoire devraient être résorbés pour un cumul de 30.000 t. Des efforts de conciliation et de co-financement sont en cours pour que cette action positive non prévue initialement par les textes réglementaires soit consolidée année après année. Il n’est pas irréaliste de penser que d’ici 5 à 10 ans l’ensemble des stocks historiques de pneus usagés sera traité.
La carte ci-dessous a été mise à jour. cf “Déchets, le cas des pneus”