Compte-rendu
OSPAR provient de la fusion en 1992 de la Convention de Paris pour la prévention de la pollution marine d’origine tellurique et de la Convention d’Oslo pour la prévention de la pollution marine par les opérations d’immersion effectuées par des navires et aéronefs. Cette dernière avait été initiée suite au choc de la marée noire du Torrey Canyon le 18 mars 1967.
OSPAR est dédiée à la protection de l’Atlantique du Nord-Est. C’est un poisson-pilote. Les travaux de ses 5 comités – Biodiversité, Industries offshore, Substances radioactives, Impacts environnementaux des activités humaines, Substances dangereuses et eutrophisation – ont permis de mieux connaître et combattre les multiples pressions sur les écosystèmes marins depuis le large du Portugal jusqu’à l’Océan Glacial Arctique. Cette réussite s’est notamment concrétisée par un bilan de santé sans concession de la zone OSPAR en 2010 (1). Sept ans plus tard, le poisson-pilote OSPAR est menacé d’asphyxie par les pays arctiques. Robin des Bois revient des comités Biodiversité et Industries offshore qui se tenaient à Berlin et à Oslo les deux premières semaines de mars.
Arctique
Au sein d’OSPAR, le clivage entre les pays du sud et les pays du nord s’aggrave. Les pays riverains de l’Arctique redoutent que les pays subarctiques sous le prétexte d’une bonne gestion environnementale interviennent dans la gestion des ressources fossiles et vivantes telles que le gaz, le pétrole, les minerais et les poissons.
Qu’il s’agisse de biodiversité ou d’activités offshore, les pays-membres d’OSPAR également membres du Conseil de l’Arctique serrent les rangs. Ils sont emmenés par la Norvège, le Danemark et l’Islande. Ils considèrent que le Conseil de l’Arctique (2), instance non décisionnelle contrairement à OSPAR, est le seul organe compétent pour la gestion globale de l’Arctique. Ce durcissement s’est concrétisé par la menace de la Norvège en juin 2016 de quitter la Convention OSPAR au moment des débats sur un pré-projet d’Aire Marine Protégée dans l’Océan Glacial Arctique. Depuis, le sujet est en hibernation. Autre exemple de la méfiance des pays du Nord, la candidature d’OSPAR au rang d’observateur du Conseil de l’Arctique n’est toujours pas acceptée. La première sollicitation date de 2009.
Comité Biodiversité Berlin
Les haploops et les laminaires menacés par l’exploitation, la destruction des habitats et les pollutions chimiques, ont fait les frais de cette « guerre froide ». Leur inscription sur la liste des espèces et habitats menacés et/ou en déclin d’OSPAR est retardée et ne pourra intervenir qu’en dehors de la région arctique, à la demande de la Norvège.
Les Pays-Bas vont poursuivre les investigations sur les haploops. Les haploops sont des petits crustacés de l’ordre des amphipodes d’une taille de 15-20 mm et vivant en colonies par dizaine de milliers au m2, à 15-30 m de fond, dans des tubes individuels auto-construits et constitués d’un mélange de mucus et de vase. Ils forment ainsi un champ sous-marin de tubes d’une telle densité que les chalutiers les évitent. Ils sont répartis dans toutes les régions OSPAR. Les colonies d’haploops au large de la Bretagne couvrent 3500 ha en Baie de Concarneau et 7000 dans la Baie de Vilaine.
L’inscription des laminaires sur la liste des espèces OSPAR est elle aussi exclue de la région arctique, sur l’insistance de la Norvège. La France favorable à cette inscription pourrait prendre la direction des travaux. Les forêts sous-marines de laminaires sont réparties depuis l’Arctique jusqu’au large du Portugal. Les laminaires ont tout pour plaire, elles luttent contre l’érosion côtière en amortissant la puissance et la vélocité des vagues, elles contribuent à la séquestration du carbone, elles construisent pour des myriades de poissons, de mollusques et d’espèces végétales un habitat réservé. Leur exploitation en Bretagne centrée sur les laminaires hyperborea fait polémique (3).
La société civile à Berlin était représentée par Robin des Bois, Oceana, WWF et Greenpeace International.
Comité Industries offshore Oslo
Les oiseaux de mer sont attirés par les lumières des plateformes offshore, s’épuisent à tourner autour, brûlent sur les torchères, ou entrent en collision avec les superstructures. De courageux migrateurs terrestres comme les rouges-gorges et les grives musiciennes subissent aussi cette surmortalité (4). Le brouillard, la brume et la pluie fréquents en Mer du Nord, renforcent l’attractivité lumineuse. La densité des oiseaux dans un rayon de 500m est 7 à 40 fois supérieure autour des plateformes par rapport aux zones non-éclairées. Pour quantifier la mortalité des oiseaux, des observateurs dédiés devraient être présents sur le site industriel 7j/7 et pendant deux mois. L’industrie pétrolière informée des risques depuis au moins 1980 n’a jamais considéré comme prioritaire cette mission de surveillance.
Le Royaume-Uni – 939 installations offshore sur les 1751 de la zone OSPAR – ne veut pas de nouvelles contraintes à ce sujet mais les Pays-Bas et l’Allemagne réclament l’application des meilleures techniques disponibles pour réduire la pollution lumineuse. Les Pays-Bas ont présenté les mesures mises en œuvre ou programmées sur leurs plateformes : enlèvement des éclairages inutiles notamment sur les plateformes non habitées, régulation manuelle de la lumière ou encore confinement des sources de lumière permanentes. Le dossier avance pas à pas mais l’année prochaine chaque pays OSPAR concerné devra soumettre un rapport. Le sujet est d’autant plus important que la pollution lumineuse provient également des installations éoliennes offshore.
Les activités pétrolières existantes et à venir de la Norvège et du Groenland ont été trop rapidement abordées au regard des risques environnementaux et du glissement progressif des explorations et des exploitations depuis la mer du Nord jusqu’en Arctique.
Dans les eaux norvégiennes de la Mer de Barents, la production de pétrole sur le champ Goliat exploité par la compagnie italienne Eni a commencé en mars 2016. La production a été interrompue à deux reprises en raison de problèmes techniques. La gestion d’Eni est fortement mise en cause par l’Autorité de contrôle norvégienne (Petroleum Safety Authority). L’exploitation a repris en février 2017. Elle a été de nouveau interrompue huit jours plus tard.
La Collaboration pour l’Exploitation de la Mer de Barents (Barents Sea Exploration Collaboration, BaSEC) a été initiée par Statoil, Eni Norge, Engie, Lundin et OMV en avril 2015. BaSEC regroupe à présent 17 compagnies. Parmi ses objectifs figure en bonne place la délimitation des nouvelles zones possibles pour l’exploitation de pétrole et de gaz. Les plans d’intervention en cas d’accident sur les plateformes offshore restent insuffisants et inadaptés. Qu’il s’agisse du sauvetage des employés ou des effets sur l’environnement, les temps de réponse sont trop longs.
Concernant les rejets en mer de plastiques et microplastiques depuis les plateformes offshore, OSPAR s’éveille. Il a été demandé à chacun des pays-membres de faire un bilan des plastiques rejetés en mer pendant l’exploration et l’exploitation offshore. Un premier bilan brut et incertain fait part de 158 tonnes de plastiques solides – qualifiés de Lost Circulation Materials (LCMs) – par an pour ce qui concerne la seule industrie britannique.
Depuis 2013, Robin des Bois incite les pays membres d’OSPAR à rendre facilement accessibles les informations sur leurs plateformes pétrolières ou gazières, coupées du monde et à l’abri des regards. Une première étape importante a été franchie avec la publication d’une carte des installations donnant accès à une fiche d’identité sommaire pour chacune d’entre elles (5). Robin des Bois poursuit son travail afin que ces données soient complétées dans les années à venir avec des informations sur les rejets accidentels et chroniques d’effluents liquides et atmosphériques. Dans la zone OSPAR, les installations offshore sont responsables d’une moyenne de 487 marées noires chaque année. La plupart sont inférieures à 1 tonne mais contribuent aussi à la mortalité des oiseaux et à la contamination des chaînes alimentaires marines.
La société civile à Oslo était représentée par Robin des Bois.
Capture d’écran de la carte OSPAR avec un exemple de fiche d’identité d’une plateforme pétrolière.
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(1) http://qsr2010.ospar.org/fr/
En attendant la nouvelle version du bilan de santé de la zone OSPAR prévue pour 2021, une évaluation intermédiaire sera finalisée cette année. Elle mettra à jour les données sur des espèces et des habitats représentatifs de l’état des écosystèmes marins comme les grands dauphins ou les orques ainsi que sur des indicateurs tels que la taille moyenne des poissons et l’organisation des chaînes alimentaires marines.
(2) Canada, Danemark au nom du Groenland, Etats-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède
(3) https://robindesbois.org/non-a-la-deforestation-sous-marine/
(4) https://robindesbois.org/plus-de-transparence-pour-loffshore-et-moins-de-lumiere-2/
https://robindesbois.org/megatombe-de-rouge-gorges-en-mer-du-nord-2/
(5) http://odims.ospar.org/layers/geonode:ospar_offshore_installations_2015_01
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