Cession, fusion, intégration, dissolution, liquidation sont des opportunités pour enfouir dans les mémoires et les substrats hydrogéologiques le passif environnemental issu d’activités industrielles historiques, dans un temps pas tout à fait fini où les décharges internes et gratuites permettaient d’épaissir la marge des bénéfices.
A ce jeu, Pechiney est orfèvre. Il a refilé à Rhodia et à la commune de Wattrelos (59) des terrils pollués qui relarguent jusqu’à 70 kg de chrome par jour dans un cours d’eau. Il laisse l’Etat, l’ADEME et l’Alsace se dépatouiller avec des déposantes et des migrations de rebuts de lindane, un pesticide persistant et interdit. Pechiney considère la Méditerranée comme sa décharge interne et y déverse, tant en Grèce qu’en baie de Cassis, les déchets de fabrication d’alumine. La fosse de Cassidaigne est stérilisée. Le “barrage des boues rouges” à Rousson (30), un thalweg obturé par un mur de 60 m de haut et rempli par Pechiney avec les résidus de son usine de Salindres maintenant désaffectée, est aujourd’hui sous la responsabilité de Rhodia.
La nébuleuse des sites pollués par Pechiney est particulièrement dense dans les Alpes et les Pyrénées. Quant à Alcan, il a revendu son usine de Toulouse à Technal. Les sols et la nappe phréatique y sont pollués par du plomb, du nickel, du zinc, et des cyanures.
Notre inventaire, non-exhaustif, montre que Pechiney est aujourd’hui détenteur ou responsable d’au moins 45 sites certifiés pollués et de 9 sites potentiellement pollués*. Des efforts sporadiques sont menés par l’industriel. Le plus spectaculaire concerne la décharge des Nantieux, à St-Marcel-en-Savoie (73). La mise en sécurité chimique et géotechnique de 100.000 tonnes de terres arséniées a coûté environ 20 millions d’euros. Pour autant, le site est toujours surveillé, et des incertitudes demeurent sur sa capacité à retenir les polluants à moyen terme.
Le rapport annuel “Environnement, santé et sécurité” 2002 de Pechiney tendant à démontrer une dynamique de progrès durable, et imité en vérité par la totalité des groupes industriels, ne consacre au passif environnemental que quelques lignes, souvent fantaisistes et très évasives.
A l’occasion de l’OPA prévue par Alcan sur Pechiney, il est urgent de souligner que les risques sanitaires et financiers attachés aux sites pollués sont insuffisamment pris en compte par les actionnaires, les industriels, et les autorités de tutelle, en l’occurence le Canada, les Etats-Unis, la France et la Commission européenne. Il est aussi urgent qu’à l’occasion de ce remue-ménage, Alcan ou Pechiney s’engagent sur la réhabilitation hierarchisée de l’ensemble de leurs sites pollués. Un tel effort a été demandé à Gaz de France pour des centaines d’usines à gaz réparties sur le territoire français.
*Un site potentiellement pollué est un site dont la ou les pollutions théoriques et logiques n’ont pas encore été prouvées par une étude de terrain approfondie et spécifique.
Voir également le dossier.
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