Commission Baleinière Internationale
Communiqué n°3 – Jersey
A l’occasion de la 63ème session plénière de la Commission Baleinière Internationale, le Japon a démontré la diversité de ses talents pour saborder les initiatives en faveur de la protection des baleines et bâcler les débats sur les menaces environnementales qui pèsent sur les cétacés. Cette année, c’est une lacune dans le règlement de la CBI qui a été finement exploitée par les juristes nippons pour écarter une proposition de sanctuaire dans l’Atlantique sud.
Le Brésil et l’Argentine sont persévérants. L’idée d’un sanctuaire dans l’Atlantique sud a été initiée en 1998 et est proposée régulièrement à l’approbation de la CBI depuis 2001. Ces eaux, des côtes d’Amérique du sud aux côtes africaines, abritent notamment des populations de baleines à bosse et de baleines franches australes. Ces dernières, surexploitées pendant plusieurs siècles, ont vu leur population chuter de 55.000-70.000 individus à 7.500 aujourd’hui. Depuis 2003, une recrudescence des échouages de baleineaux dans leur première année est observée et pourrait mettre en péril cette population (366 échouages répertoriés depuis 2003 dont 90% de baleineaux). Dans un premier temps, seuls cinq pays se sont exprimés contre cette proposition de sanctuaire : Palau, la Russie, l’Islande, Saint-Christophe-et-Nevis et le Cameroun. Le Japon a attendu le dernier moment pour intervenir « au nom de nombreux pays qui soutiennent l’exploitation durable des baleines ». Tout en assurant qu’il recherchait un consensus et qu’il était contre toute action hostile, le Japon a sabordé le processus de décision : « si les pays pour l’exploitation quittent la salle, l’assemblée n’aura pas le quorum nécessaire et le vote sur cette proposition de sanctuaire ne sera pas possible ». Le Brésil et l’Argentine ont refusé de céder à la menace et n’ont pas retiré leur proposition. Les délégations japonaise, russe, norvégienne, islandaise, africaines, caribéennes, entre autres, sont alors sorties du forum laissant le reste de la Commission dans l’incertitude sur les règles de procédure applicables. 8h plus tard, il a été décidé que ces échanges seraient décrits dans le rapport annuel du Président selon des termes négociés et le sanctuaire mis au premier point de l’ordre du jour de la prochaine session plénière. En attendant, les règles de procédure devront être clarifiées.
Hier, la délégation japonaise n’avait pas présenté de nouvelle demande de quotas de chasse côtière. De toute façon, quel intérêt le Japon aurait-il à chasser des baleines qui sont contaminées par la radioactivité ? Le Comité Scientifique de la CBI a souligné qu’un suivi des conséquences radiologiques de l’accident de Fukushima Daiichi sur les populations de cétacés était nécessaire, en particulier parce que leurs proies habituelles comme les lançons sont fortement contaminées (1). Le Japon a exprimé « sa volonté de considérer la possibilité » de procéder à des suivis complets de l’impact radiologique sur le long terme. Tout le Pacifique Nord sera marqué par cette pollution pendant des décennies suite à la dispersion de la radioactivité par les courants. Le Japon a plutôt intérêt à filer loin de ses côtes chasser des baleines exemptes de contamination. Il devra choisir au cours des prochains mois entre renoncer à chasser dans le sanctuaire Antarctique ou renouveler sa flotte de baleiniers-poubelle non conforme aux nouvelles réglementations de l’Organisation Maritime Internationale (2). A moins qu’il choisisse de chasser les baleines dans un sanctuaire avec des navires hors la loi en exploitant une autre lacune réglementaire.
Déchets en mer
Déchets du tsunami et déchets en mer jetés en routine, les cétacés sont empêtrés, noyés, étouffés et contaminés par les rebuts de l’humanité. Un groupe de travail a été créé pour rechercher et synthétiser les informations disponibles sur l’ingestion des déchets plastiques par les cétacés, notamment les microplastiques.
L’Europe infiltrée
Le Danemark phagocyte la politique des 24 autres pays européens membres de la CBI. La délégation danoise a soutenu en plénière que la participation des ONG « ne serait pas à l’avantage de tous ». Il est vrai que la participation accrue des ONG ne serait pas à l’avantage du Danemark, les ONG étant bien documentées sur la chasse commerciale groenlandaise pratiquée sous couvert de chasse aborigène (209 petits rorquals, baleines à bosse et rorquals communs tués en 2010). A la porte de l’Europe, il y a l’Islande, 208 baleines tuées en 2010 et près de 800 tonnes de viande exportées vers le Japon.
Collision avec les navires
Les baleines sont tuées sur le coup ou mortellement blessées après une collision avec un navire. 539 cas ont été répertoriés depuis 1877. Le recensement des collisions fait craindre une fréquence importante d’incidents non déclarés ou inaperçus ce qui en cumul pourrait constituer un facteur non négligeable de mortalité d’espèces considérées comme menacées et dont la chasse ou le commerce sont interdits. La plupart du temps, les chocs ne sont pas ressentis par les équipages. L’examen des livres de bord a permis de démontrer qu’un navire de croisière aux Etats-Unis avait porté sur son étrave une carcasse de baleine pendant 1100 km. L’augmentation de la vitesse des navires en synergie avec l’augmentation des bruits et vibrations sous-marines générés par les machines et les accessoires de propulsion aggrave les risques de collision. Le groupe de travail de la CBI recommande d’identifier les zones les plus problématiques en superposant les cartes de densité des populations de baleines et de navires et de considérer l’application de mesures d’atténuation comme des réductions de vitesse.
(1) Impacts sur les baleines des rejets radioactifs et des déchets en mer post-tsunami. 8 juillet 2011
(2) Baleines Nagoya Blabla, 29 octobre 2010
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