A Johannesburg, le développement durable de la chasse à l’éléphant d’Afrique (Loxodonda africana) est un des sujets des couloirs officiels. La tâche est vitale d’après les autorités d’Afrique australe. Il s’agit de convaincre les délégations internationales de consolider la reprise du commerce international de l’ivoire amorcée en 1997 au Zimbabwe lors de la 10ème réunion plénière de la CITES (Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d’Extinction). La prochaine réunion plénière de la CITES se tiendra en novembre au Chili.
En 1989, à la demande de la majorité des pays d’Afrique soutenus par la France, l’éléphant africain était protégé de tout commerce international. En 1997, les pays d’Afrique australe emmenés par le Zimbabwe ont convaincu les pays-membres de la CITES du besoin urgent d’exploiter leurs ressources naturelles, à commencer par l’ivoire, pour subvenir aux besoins des populations. Ainsi le Zimbabwe, la Namibie et le Botswana ont été autorisés à exporter vers le Japon un total de 59 tonnes d’ivoire. Sur le terrain, la décision a été perçue comme une réouverture totale de la chasse ; le braconnage a repris, y compris dans des pays où l’éléphant a toujours un statut de protection maximale comme le Kenya, la Tanzanie, la Côte-d’Ivoire, la République Centrafricaine, le Congo Brazzaville, l’Angola et le Tchad. Le lendemain du vote final, le seul quotidien du Zimbabwe, le Herald, titrait : “ l’Afrique australe gagne la bataille de l’ivoire ”.
En 2000, la CITES accordait à l’Afrique du Sud le déclassement de ses populations d’éléphants, phase préparatoire à la reprise des activités commerciales, mais n’accordait aucun quota d’exportation d’ivoire. Entre janvier 2000 et juin 2002, 1059 cas d’éléphants braconnés ont été constatés; 2.563 défenses, 14.648 objets en ivoire et 6.213 kg d’ivoire ont été saisis à travers le monde pour cette même période. En juillet 2002, une saisie de 6.000 kg d’ivoire zambien en provenance d’Afrique du Sud et destiné au marché japonais a été effectuée à Singapour, confirmant que la route historique du trafic est réactivée.
En novembre 2002, le Zimbabwe, la Namibie, le Botswana, la Zambie et l’Afrique du Sud entendent élargir le marché au-delà du Japon ; ils profitent du sommet de Johannesburg pour préparer le terrain. L’Afrique du Sud réclame un quota initial de 30.000 kg de défenses d’ivoire “ de toutes tailles ”. Les derniers inventaires fiables datant de 1995 font état d’un troupeau global sur le continent africain compris entre 250.000 et 615.000 individus. Les principales populations d’éléphants sont concentrées en Afrique australe et en Afrique centrale. Depuis 5 ans, il est impossible de dénombrer les éléphants dans des régions soumises à la guerre et à l’instabilité. Des régions qui ne peuvent pas compter leurs morts ne comptent pas les éléphants.
En Europe, la France, l’Italie et l’Espagne semblent déjà convaincues que les quotas d’ivoire réclamés par l’Afrique du Sud et les pays voisins sont en accord avec l’idée qu’elles ont du développement durable. La tentation de revenir de Johannesburg la diplomatie tranquille, sinon la conscience, pourrait compromettre les chances de survie de l’éléphant. Le gouvernement français doit évoluer dans ses positions et se rapprocher de l’Inde et du Kenya qui proposent de redonner à l’éléphant une protection maximale et d’interdire à nouveau le commerce international de l’ivoire.
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