50 millions d’oiseaux migrateurs franchissent deux fois par an la Mer du Nord. La navigation astronomique d’au moins sept espèces est sévèrement perturbée par les flux de lumière artificielle émis par les plates-formes off-shore. Le dérangement est maximal quand le ciel nocturne est couvert de nuages ; il aboutit à la désorientation des oiseaux qui dans ces circonstances se mettent à tourner pendant plusieurs heures autour de cette fausse constellation que constitue une plate-forme off-shore la nuit.
D’après le rapport présenté par les Pays-Bas aux autres Etats-membres de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est, une seule plate-forme pourrait être responsable de la mort par collision de 60.000 oiseaux par an.
Parmi les espèces-cibles figurent les merles, les grives musiciennes, les grives mauvis, les litornes, les alouettes des champs, les rouge-gorges et les eiders communs.
Ces projections statistiques s’appuient sur les observations de terrain. Sur une plate-forme allemande, 442 oiseaux de 21 espèces différentes ont été retrouvés morts sur les caillebotis et dans les coursives entre octobre 2003 et décembre 2004. Mais il est admis dans ce rapport que le nombre d’oiseaux morts après des collisions avec les parties aériennes des installations ou d’épuisement est beaucoup plus important. Ils sont perdus en mer.
L’influence fatale pour les oiseaux des rayonnements lumineux artificiels est connue depuis 1895 et elle s’est propagée à partir de 1950 avec l’illumination des tours verticales des aéroports et des raffineries de pétrole. Entre 1957 et 1995, 120.000 cadavres d’oiseaux ont été dénombrés au pied d’une tour de communication TV. Les principales séries, plus de 1.000 oiseaux, se sont concentrées sur 24 nuits où une forte couverture nuageuse était associée à de la pluie.
Cela pourrait être une surprise que l’exploitation du pétrole en Mer du Nord décime les rouge-gorges ; ce serait oublier que ces passereaux familiers dont les populations sont en régression volent en septembre et en octobre depuis des pays scandinaves jusqu’en Europe du Sud et survolent à cet effet la Mer du Nord sur 500 km. Il en est de même pour les grives et les alouettes qui à la même saison descendent de Norvège pour rejoindre le Royaume-Uni et l’Irlande. Loin, trop loin des oiseaux de mer englués dans les marées noires de l’Erika ou du Torrey Canyon, les passereaux de passage en Mer du Nord qui succombent au supplice des plates-formes off-shore ont une mort anonyme, insignifiante et cruelle ; leurs carcasses sont rapidement ingurgitées par les prédateurs.
Le problème sera abordé lors de la réunion du Comité Off-shore de la Convention OSPAR à Barcelone du 7 au 11 mars. La protection de la biodiversité aviaire n’est pas à cette occasion une priorité pour le gouvernement français. Considérant les projets de Total et d’autres compagnies en Arctique et les projets d’éoliennes off-shore sur la façade atlantique, Robin des Bois estime au contraire que cet enjeu est prioritaire et qu’une recommandation OSPAR en faveur de la réduction de l’intensité lumineuse des plates-formes off-shore doit être adoptée sans tarder. La France recommande seulement de poursuivre les études, oubliant l’immortel poème de Jacques Prévert : « Des oiseaux par milliers volent vers les feux / Par milliers ils tombent, par milliers ils se cognent / Par milliers aveuglés, par milliers assommés / Par milliers ils meurent. » (Le Gardien du phare aime trop les oiseaux).
D’autres sujets captivants seront abordés pendant cette réunion comme l’abandon dérogatoire des plates-formes off-shore en Mer du Nord, le stockage sous-marin de CO2 et ses risques, les modalités d’implantation des plates-formes pétrolières et gazières dans des conditions extrêmes, en Arctique par exemple qui est en partie inclus dans le périmètre de compétence d’OSPAR. |