Liberté de Thon n°1.
22ème réunion ordinaire de la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique et des mers adjacentes (CICTA / ICCAT)
La 22ème session ordinaire de la CICTA s’inscrit dans le cadre politique mouvementé du bassin méditerranéen où se concentre la pêche au thon rouge. Alors que l’OTAN et des navires militaires de plusieurs Etats membres de la CICTA, France et Italie notamment, étaient en action dans les eaux libyennes et dans le golfe de Syrte, des thoniers et leurs escortes envoyaient des signaux VMS (Vessel Monitoring System) depuis cette zone théoriquement interdite à la pêche au thon rouge, avec un pic d’activité en mai et juin. Ces navires battaient principalement pavillon italien, maltais, français et tunisien. La CICTA n’a pas d’explication claire à ce remue ménage, pas plus que l’Union Européenne ; les enquêtes sont en cours et la question sera traitée en intersession. Les pays en guerre sont souvent victimes du pillage de leur biodiversité. Le nouveau représentant du peuple libéré de Libye n’a pas émis d’avis à ce sujet ; il a en revanche demandé aux pays membres de la CICTA d’autoriser exceptionnellement son pays à utiliser le quota non pêché en 2011 au cours des deux prochaines années (902 tonnes). Rappelons que 10 senneurs battant pavillon libyen sont en attente dans les ports de Marseille et Sète. (1)
Depuis le 1er juin 2010, les mouvements du thon rouge depuis la capture jusqu’à la commercialisation doivent être accompagnés d’un bordereau de capture du thon rouge (Blue-fin Catch Document) et le cas échéant d’un certificat de réexportation de thon rouge (Bluefin Tuna Re-export Certificate). Pour autant, le fléau de la pêche illégale et de la contrebande internationale du thon rouge se porte bien. La CICTA doit durant cette réunion définir les modalités de sa coopération avec la CITES, convention internationale spécialisée dans le commerce international des espèces menacées. La CITES s’appuie sur les services douaniers et Interpol. Le document mis sur la table reste en l’état très évasif. Robin des Bois appelle les Etats membres à définir une stratégie opérationnelle pour mettre à profit la complémentarité des deux conventions et de leurs outils respectifs. L’ONG rappelle qu’elle est favorable à une inscription du thon rouge à l’annexe II de la CITES qui contrôle le commerce international. En France, le Ministère de l’écologie et le Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche français ont déclaré qu’ils travailleraient à une telle inscription en annexe II dans un communiqué commun du 19 mars 2010, aujourd’hui sous une pile de dossiers (2).
Les autres espèces de thonidés ne sont pas épargnées. Les thons albacore, listao et obèse sont des victimes collatérales de la piraterie dans l’Océan Indien depuis que les puissants senneurs européens et asiatiques se sont repliés sur les eaux poissonneuses du Golfe de Guinée.
Les juvéniles d’albacore sont ratissés par la pêche sur des Dispositifs de Concentration du Poissons –DCP. Cette technique qui consiste à fournir un abri flottant sous lequel les poissons se regroupent naturellement est parfois présentée comme un outil de pêche durable. Effectivement, c’est durable et même imputrescible et longtemps après usage ça constitue un macrodéchet flottant et c’est un leurre non sélectif qui perturbe les cycles biologiques et comportementaux de l’albacore et du listao. Au large de l’Afrique de l’ouest, les captures de listao ont augmenté de 35% par rapport à la moyenne de 2005-2009. Quant au thon obèse, le Comité scientifique a constaté qu’il plane une incertitude considérable sur l’évaluation de l’état du stock. De même, c’est une évidence, les captures réalisées par des palangriers pirates battant des pavillons de complaisance n’ont pas pu être correctement évaluées. Ce vide statistique est inquiétant. Enfin, en 2010, la pression sur les populations de thons germons de l’Atlantique Nord s’est accrue et les prises ont augmenté de 25% par rapport à 2009.
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(1) Sur les navires sous pavillon libyen dans le port de Sète : La vigilance reste de mise à Sète
(2) La France réaffirme sa volonté de protéger le thon rouge